Appeler le 15 pour donner l’alerte, masser le cœur et au bout de 2 minutes, le défibriller pour relancer l’activité cardiaque par un choc électrique. Ce scénario idéal permettrait d’éviter une large part des 50 000 décès par arrêt cardiaque qui surviennent chaque année en France. « L’utilisation d’un défibrillateur multiplie par 4 les chances d’être encore en vie 30 jours après un arrêt cardiaque », explique le Pr Pierre-Yves Gueugniaud, directeur du SAMU du Rhône et co-fondateur du registre électronique des arrêts cardiaques (RéAC), qui centralise depuis un peu plus d’un an, tous les arrêts cardiaques pris en charge dans les 91 SAMU participants.
Ecoutez le Pr Pierre-Yves Gueugniaud, directeur du SAMU du Rhône : « Grâce au défibrillateur, on passe de 3,7% de survie à 12,5. La survie est multipliée par 4, le défibrillateur est un plus indiscutable. »
Encore faut-il un défibrillateur accessible...
Ce qui n’est le cas que dans 4,25% des cas, selon une étude britannique publiée dans la revue spécialisée Heart. Cette équipe de l’hôpital universitaire de Southampton au Royaume-Uni a étudié les 1035 arrêts cardiaques survenus entre septembre 2011 et août 2012 dans le comté du Hampshire. Résultat « désespérément bas » selon les auteurs, moins de 2% des personnes victimes d’un arrêt cardiaque ont bénéficié du défibrillateur avant d’être transporté aux urgences. Or, la région n’en manque pas. Ce qui pose la question de leur localisation pas forcément judicieuse. Car si tous les grands centres commerciaux sont équipés d’au moins un défibrillateur automatique, seules 6% des gares, 13% des infrastructures sportives et 48% des cabinets de médecins généralistes ont le leur.
La situation française est à peine plus réjouissante. Selon les chiffres du registre RéAC pour 2013, un défibrillateur était présent dans 4,4% des arrêts cardiaques. Chez nous non plus, le positionnement des défibrillateurs n’est pas toujours le plus judicieux. En 2008, un collège d’experts, le Conseil français de réanimation cardio-pulmonaire, avait recommandé la présence d’un défibrillateur dans les lieux où peut survenir potentiellement plus d’un arrêt cardiaque tous les 2 ans.
Ecoutez le Pr Pierre-Yves Gueugniaud : « La présence d’un défibrillateur se justifie particulièrement dans les lieux où la population jeune fait des efforts physiques : les stades, les gares, les aéroports, les piscines… »
Mais la législation suggère la présence d’un défibrillateur dans les établissements sportifs, elle ne l’impose pas, contrairement aux extincteurs par exemple. Les obligations sont plus strictes en revanche dans les infrastructures sportives accueillant des matchs de championnats nationaux comme la Ligue 1 ou le Top 14. « C’est utile aussi bien pour les joueurs que pour le public nombreux qui fréquentent ces stades », souligne le Pr Gueugniaud.
Le défibrillateur utilisé dans 2/3 des cas
Outre l’accessibilité du défibrillateur, l’autre écueil reste son utilisation. Dans l’étude britannique, les rares personnes qui avaient un défibrillateur à portée de main, ne l’ont utilisé que dans 40% des cas. Expliquant après coup qu’ils ne l’avaient pas vu, avaient eu peur de ne pas savoir s’en servir ou ne s’étaient pas cru légalement autorisé à l’utiliser. Ces deux craintes sont infondées car la loi autorise, en France comme en Angleterre tout citoyen à se servir d'un défibrillateur et celui-ci guide vocalement l'utilisateur. Pour ce qui est de voir le défibrillateur, en France, lorsque le témoin d’un arrêt cardiaque appelle le 15, le médecin-régulateur au bout du fil lui demande systématiquement s’il en voit un à proximité et dans certaines régions, il peut même lui indiquer où se trouve le défibrillateur le plus proche. S’appuyant sur les chiffres tirés du registre RéAC pour 2013, présentés hier lors d’un congrès de médecine d’urgence au Maroc, Pierre-Yves Gueugniaud précise : « Disons que nous sommes un peu moins mauvais que les Anglais. Lorsqu’il y a un défibrillateur, il est utilisé dans 2/3 des cas. Ce qui fait au total, une utilisation du défibrillateur pour 3% des arrêts cardiaques en France contre 1,75% en Angleterre. Mais c’est encore largement insuffisant ! »
L’objectif n’est pas d’atteindre 100%. Seuls les 25% d’arrêts cardiaques qui surviennent en dehors du domicile pourraient bénéficier de ces défibrillateurs grand public. « Parvenir à 15-20% d’utilisation est un bel objectif. Le Japon, par exemple, a au moins 6 ans d’avance sur nous dans le déploiement géographique des défibrillateurs, leur taux d’utilisation dépasse 10% », explique l’urgentiste. La multiplication des défibrillateurs contribue aussi à la sensibilisation de la population à ce dispositif, qui finit par les repérer. « Mais c’est certain qu’il ne suffit pas d’installer les défibrillateurs, il faut aussi informer les gens de leur localisation et les former à leur utilisation », poursuit le Pr Gueugniaud.
Ecoutez le Pr Pierre-Yves Gueugniaud : « La 1e étape serait déjà de former tout le personnel des gares, des aéroports, des stades, des piscines…etc…à l’utilisation d’un défibrillateur. Et dans un deuxième temps, de sensibiliser l’ensemble des Français. »
Les nouvelles technologies laissent également espérer d’autres progrès. Demain, l’utilisation d’un défibrillateur pourra être signalé en temps réel au SAMU qui enverra immédiatement une équipe de secours, gagnant ainsi un temps précieux. Car après un arrêt cardiaque, chaque minute gagnée augmente de 10% les chances de survie.