Anorexie et dysmorphophobie : deux maladies qui ont en commun une altération de la perception de l'apparence. Une étude parue dans Psychological Science suggère que le cortex visuel des personnes atteintes de l’un ou l’autre de ces troubles psychiatriques traiterait l'information visuelle d'une manière anormale.
Chute d’activité du cortex
L’anorexie mentale et la dysmorphobie sont deux troubles psychiatriques proches. Dans la première, les patients se privent d’alimentation pour atteindre un idéal de minceur. Dans la seconde, les patients sont obsédés de manière maladie par un détail de leur apparence qu’ils considèrent comme un défaut. Des chercheurs de l’université de Californie à Los Angeles (Etats-Unis) ont fait passer des IRM et des électro-encéphalogrammes à 45 personnes séparées en trois groupes : participants en bonne santé mentale, anorexiques et dysmorphophobiques. Ils leur ont présenté les photos de visages d’inconnus et de maisons.
Les IRM révèlent une anomalie de l’activité cérébrale dans les deux derniers groupes. Dans les premiers instants durant lesquels le cerveau traite un signal visuel, le cortex visuel réagit de façon anormale : les régions impliquées dans l’analyse de l’image globale sont moins actives, tandis que celles impliquées dans le traitement des détails monte en flèche. Chez les personnes souffrant de dysmorphophobie, plus ces dernières zones sont actives, moins les participants ressentaient d’attirance pour le visage présenté en photo. Selon les chercheurs, cela suggère une perception déformée de l’apparence de manière générale, et non personnelle.
Les personnes anorexiques (en vert) et dysmorphophobiques (en bleu) présentent une moindre activité dans les régions du cerveau qui traitent l'information "générale" lorsqu'elles regardent des maisons (à gauche) et des visages (à droite). Source : Wei Li, UCLA
Une réaction très rapide
Le résultat le plus parlant, c’est la vitesse à laquelle surviennent ces anomalies de l’activité cérébrale. Ces changements se produisent dans les 200 millisecondes suivant la captation de l’image par l’œil et donc en dessous du seuil de perception. Ce détail est crucial selon les auteurs de l’étude, pour comprendre à quel niveau se situe l’origine du trouble. « Nous savons maintenant que ces anomalies surviennent à un stade très précoce, lorsque le cerveau commence à traiter les signaux visuels », commente Wei Li, premier auteur de l’étude. « Les distorsions de la perception qu’on retrouve dans l’anorexie mentale et la dysmorphophobie pourraient avoir une origine neurobiologique », ajoute ce doctorant à UCLA.
« Maintenant que nous connaissons le timing, il apparaît plus clairement que ces distorsions de la perception s’enracinent probablement très tôt dans le système visuel », analyse le principal auteur de l’étude, Jamie Feusner. « Le fait que les résultats aient été enregistrés alors que les participants regardaient les visages d’autres gens et de maisons suggère que c’est peut-être une anomalie globale dans le traitement des signaux visuels. »
Cette découverte ouvre donc un nouvel horizon thérapeutique dans l’anorexie et la dysmorphophobie. Les patients pourraient bénéficier d’une thérapie comportementale qui rééduque la perception. Les participants y sont encouragés à se concentrer sur une vision plus générale et à moins se focaliser sur les détails.