Ce matin, l’Assemblée Nationale examine la proposition de loi sur la fin de vie des députés Alain Claeys (PS, Vienne) et Jean Leonetti (UMP, Alpes-Maritimes). Cette proposition n’autorise ni euthanasie ni suicide assisté mais instaure un droit à une sédation « profonde et continue » jusqu’au décès pour les malades en phase terminale. Une disctinction sémantique jugée artifielle par les uns, capitale par les autres. Retour sur les mots au cœur du projet de loi.
Sédation profonde et continue
La définition de ce terme est aussi ambiguë que centrale. Tout le projet de loi sur la fin de vie est en effet fondé sur cette notion. Concrètement, sédater un patient consiste à le plonger dans un sommeil plus ou moins profond à l’aide d’un cocktail médicamenteux composé de puissants somnifères et antidouleurs. C’est une technique largement utilisée en soins palliatifs, qui permet d’éviter toute souffrance.
Dans le rapport Claeys/Leonetti, le patient peut exiger de recevoir ce mélange médicamenteux de manière continue et ce, jusqu’au décès. Le médecin, qui était jusqu'à présent le seul à pouvoir prendre cette décision, est alors obligé d'accéder à sa demande. Seuls les patients atteints d'une affection grave et incurable, dont le pronostic est engagé à court terme et dont la souffrance est réfractaire aux traitements, peuvent exiger une sédation terminale.
La mort est provoquée en quelques jours, par l’arrêt des traitements qui accompagne cette sédation terminale, ou par l’interruption de l’hydratation et de l’alimentation artificielles. La puissance et la quantité des médicaments injectés peuvent également accélérer le décès. Toutefois, le geste se distingue d’une euthanasie.
Euthanasie
En effet, l’intention n’est pas exactement la même, même si la frontière est ténue. Une euthanasie consiste à injecter un produit létal qui cause directement la mort. Alors que la sédation se réfère à une profonde anesthésie, qui peut éventuellement avoir comme effet secondaire de provoquer la mort. Certes, le résultat est similaire, mais l’acte diffère. De plus, les médecins n’utilisent pas les mêmes substances dans les deux cas.
Pour eux, cette différence est d’ailleurs fondamentale. Le fait de « tuer » peut provoquer un conflit avec leur devoir de médecin, qui est de conserver la vie à tout prix. Alors que la sédation les place dans une position d’ « accompagnants » jusqu’à la mort. En Europe, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg autorisent l’euthanasie.
Suicide assisté
Les députés Alain Claeys et Jean Léonetti ont refusé d’aborder ce point très sensible dans leur rapport. Dans les rares pays qui l’autorisent, le suicide assisté est réalisé par le patient qui s’administre lui-même la substance létale, prescrite par des professionnels de santé. Des médecins ou des membres d’associations accompagnent la personne qui souhaite mourir, à l’hôpital ou à domicile.
Le suicide assisté est autorisé en Suisse et dans certains Etats américains (Oregon, Montana et Washington). Toutefois, certaines voix pointent les possibles dérives de ces législations, qui peuvent favoriser les suicides assistés sans raison médicale, ou faire émerger un « marché de la mort » - en Suisse, l’acte coûte près de 10 000 euros.
Hydratation et alimentation artificielles
L’hydratation et la nutrition médicalement assistées sont largement répandues en réanimation et en soins palliatifs. Elles s’imposent aux patients qui ne peuvent ni boire, ni manger. Une perfusion fournit alors au malade les éléments vitaux – eau, aliments. Lorsque la décision d’une sédation terminale est prise, les équipes soignantes interrompent systématiquement l’hydratation et l’alimentation. Le rapport Claeys/Leonetti réaffirme ce principe, fondé sur l’idée qu’il est incohérent de continuer à nourrir tout en sédatant jusqu’à la mort, « les effets de l’un contrariant les effets de l’autre ».
Mais de nombreuses voix trouvent choquant le fait de laisser quelqu’un « mourir de faim » ou de soif. Elles demandent, ainsi, la poursuite de l’alimentation au cours de la sédation terminale. A noter que si la déshydratation est visible pour l’entourage du patient (bouche et peau desséchées…), le patient, lui, n’est pas censé souffrir, puisqu’il est sédaté.
Directives anticipées
Au cours de son existence, toute personne majeure peut rédiger une déclaration dans laquelle elle précise ses souhaits quant à sa fin de vie. Elle décide ainsi, à l’avance, si elle désire que les soins soient poursuivis coûte que coûte, ou bien si elle rejette toute forme d’acharnement thérapeutique. Ces directives sont révocables. Elles sont particulièrement utiles en cas d’impossibilité d’exprimer sa volonté (coma, état végétatif…).
Le rapport Claeys/Léonetti prévoit que ces directives soient contraignantes. Ainsi, le médecin est tenu de s’y plier. Jusqu’ici, lui seul avait le pouvoir de décider de mettre un terme au traitement et de sédater le patient jusqu’au décès. Certes, écrire de tels vœux n’a rien de réjouissant - d’ailleurs, seuls 2 % de la population française les ont rédigés. Pour autant, elles permettent d’éviter des drames tels que l’affaire Lambert, où une famille se déchire sur le sort d’une personne plongée dans le coma, inapte à exprimer sa volonté. Un formulaire est disponible sur le site Internet du Service Public.
Clause de conscience
Cette disposition assure aux médecins le droit de refuser de pratique un acte médical quel qu’il soit, pour des raisons professionnelles ou personnelles. Elle est inscrite dans le Code la Santé Publique (article R4127-47). Certains médecins demandent qu’une clause de conscience spécifique soit ajoutée à la loi sur la fin de vie, à la manière de celle qui s’applique de manière très contestée à l’interruption volontaire de grossesse.
Les défenseurs d’une clause spécifique arguent que l’euthanasie et l’accompagnement jusqu’à la mort sont des actes médicaux très particuliers qui contredisent parfois des principes personnels, religieux ou philosophiques. Au contraire, ceux qui s’opposent à la création d’une clause spécifique estiment inutile un « doublon » législatif.
Soins palliatifs
Au sein des hôpitaux, les unités de soins palliatifs accueillent des patients atteints de maladies graves, évolutives ou terminales. Elles ont pour objectif d’accompagner les personnes dans les derniers moments de leur vie, lorsque leurs symptômes sont difficilement gérables en hospitalisation traditionnelle et qu’ils nécessitent un temps d’accompagnement plus important.
L’approche y est interdisciplinaire. Les équipes soignantes sont chargées d’éviter toute souffrance physique aux malades, mais aussi de prendre en compte leurs difficultés psychologiques, sociales et psychologiques. En France, les places sont rares : on dénombre 122 unités de soins palliatifs et 418 équipes mobiles, pour un total de plus de 5 000 lits d'hospitalisation.