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QUESTION D'ACTU

Etude dans The Lancet

Entendre des voix n'est pas le signe d'une maladie

Selon une étude parue dans The Lancet Psychiatry, les hallucinations auditives sont faites de nuances. Chaque voix possède son caractère.

Entendre des voix n'est pas le signe d'une maladie SMOCK JOHN/SIPA




« J’entends environ 13 voix. Chacune est différente : certaines ont des noms, elles n’ont pas le même âge et elles sonnent différemment. » Rachel Waddingham témoigne de ses hallucinations auditives dans le Lancet Psychiatry. « Parfois, j’entends un enfant très effrayé. Lorsque c’est le cas, je ressens parfois une douleur physique, une brûlure. Si je peux aider la voix à se calmer, avec des stratégies de base, la sensation de brûlure cesse. » Ce qu’on appelle les « hallucinations auditives » ne sont rarement qu’auditives, explique cette femme. Une étude parue dans la prestigieuse revue le confirme : la description de ces phénomènes hallucinatoires est un peu trop simpliste.

 

« Le terme voix ne suffit pas »

Des chercheurs des universités de Durham (Royaume-Uni) et de Stanford (Californie, Etats-Unis) ont interrogé 153 personnes en ligne. 26 d’entre elles n’ont jamais souffert de trouble psychiatrique (16 %). Mais l’immense majorité a déjà entendu plusieurs voix (81 %) – dont certaines possèdent un caractère particulier (70 %). Pour une personne sur deux, l’hallucination auditive ne se limite pas à un phénomène acoustique, elle s’accompagne de sensations physiques (chaleur, fourmillements..).

« Pour moi, le terme "voix" ne suffit pas », confirme Rachel Waddingham. « Je l’utilise, mais il dissimule le côté physique de mon expérience, pour lequel je n’ai pas de mots. » Souvent violentes ou injurieuses, les « voix » peuvent être liées à une expérience traumatique. Pourtant, 31 % des participants ont ressenti l’hallucination de manière positive.

 

Cibler les caractères des voix

« Nous remettons en question la caractéristique qu’on présumait purement auditive de ces hallucinations, et nous montrons que la complexité du "caractère" de certaines voix n’est pas reconnue », estime le Dr Angela Woods, principal auteur de l’étude.
A ce jour, les hallucinations auditives sont prises en charge par des médicaments, des thérapies cognitivo-comportementales (TCC) et autres thérapies psychiatriques. Mais elles ne tiennent pas compte des particularités des voix, comme l’explique Rachel Waddingham : « Aussi longtemps que nous penserons que les voix sont un signe de maladie, explorer l’expérience de quelqu’un n’a pas vraiment de sens. Au lieu de cela, nous tentons d’éloigner les voix aussi loin que possible. Les écouter semble fou. »

 

Selon les auteurs de cette étude, cibler les thérapies sur les motifs des hallucinations ou sur les caractéristiques des voix permettrait d’améliorer les résultats. « Il est crucial d’étudier la santé mentale et les expériences humaines, comme les hallucinations auditives, sous différents points de vue afin de découvrir quelles personnes les subissent vraiment, et non pas seulement ce qu’on pense qu’elles vivent parce qu’elles ont un diagnostic particulier », insiste le Dr Woods.

 

C’est surtout la définition de ces événements qui doit être repensée, aux yeux du Dr Nev Jones, co-auteur de l’étude. « Dans l’ensemble, ces voix ne sont pas vécues simplement comme des pensées intrusives ou non désirées, mais plutôt (…) comme des entités distinctes possédant leur personnalité et leur caractère propres », commente-t-il. « Ces données suggèrent qu’il faut repenser avec plus d’attention le distingo entre perception imaginaire, comme le son, et la perception elle-même. »

 

Libérer la parole

5 à 15 % de la population adulte en bonne santé mentale entendra des voix au cours de sa vie. Mais dans l’imaginaire commun, ces phénomènes restent associés à la maladie (psychoses, schizophrénie, trouble bipolaire). Une idée reçue assez paradoxale puisque, lorsque le sujet est abordé, les langues se délient. « Même si dans notre société, les personnes qui entendent des voix sont souvent décrites comme folles ou cinglées, je pense que les choses changent. Je crois que beaucoup de personnes s’intéressent aux hallucinations auditives », témoigne Rachel Waddingham. « Beaucoup de gens me parlent d’expériences qu’ils ont vécue – parfois en tant qu’enfants, parfois à l’âge adulte. C’est comme si, en parlant des voix, nous commencions à dé-stigmatiser l’expérience, à ouvrir une porte aux autres pour qu’ils en parlent librement. »

 

Cette étude devrait permettre de libérer la parole autour des hallucinations auditives. C’est en tout cas ce qu’espère Rachel Waddingham : « J’aimerais vivre dans un monde où nous sommes curieux des expériences d’autrui, et dans lequel nous cherchons à comprendre plus qu’à "pathologiser" (sic). Chacun a une histoire, et le monde serait bien plus agréable si nous commencions à les écouter. »

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