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Consommation de sucre

Comment le lobby du sucre a biaisé les recherches sur la santé dentaire

Par Anne-Laure Lebrun

L’industrie sucrière américaine a réussi à détourner les autorités médicales de la lutte contre les caries afin d’éviter une réduction de la consommation de sucre, selon une étude américaine.

Jeff Blackler/REX/REX/SIPA
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Le lobby du sucre serait-il aussi puissant que celui du tabac ? Peut-être bien. En tout cas, il semble que ces deux industries utilisent les mêmes méthodes lobbyistes pour exister et s’enrichir. Selon une étude américaine publiée dans la revue Plos Medicine, l’industrie sucrière aux Etats-Unis a grandement influencé la recherche sur les caries dentaires.

Dès les années 1950, cette industrie a reconnu que le sucre était responsable de l’apparition des caries dentaires et qu’il fallait réduire sa consommation afin de limiter leur formation. Pourtant, ses dirigeants ont adopté différentes stratégies pour détourner l’attention des autorités sanitaires américaines de cette solution.

Conflit d'intérêts
Pour empêcher une réduction de la consommation, le lobby sucrier a financé ses propres recherches. Il a ainsi tenté de développer des enzymes capables de détruire la plaque dentaire ou encore un vaccin, tout en gardant des relations étroites avec les autorités.

Une proximité tellement importante que « 78 % d’un rapport proposé par les industriels a été incorporé directement dans la première proposition du programme national de prévention contre les caries », affirment les auteurs dans Plos Medicine. Ces derniers soulignent que « les recherches pouvant nuire aux intérêts des industriels étaient omis des priorités du programme national. »

Durant toute cette période, les priorités des autorités sanitaires et des industriels étaient étrangement similaires. La prévention des caries se concentré autour de la supplémentation en fluor, la réduction de la virulence bactérienne ou l’ajout d’additifs capables de contrer les effets nocifs du sucre.

12 ans d'étroites relations
Pour mettre en évidence ce conflit d’intérêt, les auteurs ont épluché plus de 300 rapports internes à l’industrie du sucre de canne et de betterave datant de 1959 à 1971 ainsi que des rapport de l'Institut national américain de la recherche dentaire (NIDR).

« L’actuelle opposition de l’industrie face aux recommandations de santé publique -notamment celles proposées en 2014 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – devrait être examinée attentivement pour s’assurer que les intérêts industriel ne menacent pas les objectif de santé publique », concluent les auteurs.

La semaine dernière, l’OMS a annoncé qu'elle souhaitait diviser la consommation de sucre par deux. Elle indique qu'il ne faudrait pas dépasser 6 cuillères à café  par jour, soit 25 grammes. Les consommateurs, comme les fabricants et cuisiniers, sont visés par ce projet. En effet, signale l’OMS, la plupart des sucres consommés chaque jour proviennent d’aliments transformés.