Avis aux gros fumeurs de cannabis. Une équipe de chercheurs de l'université de Northwestern (Chicago) publie aujourd'hui dans la revue scientifique Hippocampus une étude qui pourrait bien inquiéter ceux qui consomment régulièrement cette drogue.
En effet, les résultats qui y sont présentés suggèrent qu'une consommation fréquente de cannabis pendant l'adolescence affecte ensuite les capacités de mémorisation à l'âge adulte. Et ce n'est pas la première étude de ce type qu'ils conduisent. En avril dernier, les chercheurs britanniques avaient souligné les effets néfastes de cette drogue pour la mémoire à court terme.
Hippocampe et « brain mapping »
L'expérience menée par l'équipe est simple. 97 sujets ont ont été enrôlés, parmi lesquels des personnes ayant commencé à fumer du cannabis très régulièrement, à l'âge de 16 ou 17 ans, sur une durée de trois ans. Au moment de l'étude, les sujets devaient avoir arrêté de fumer depuis deux ans.
L'étude a porté également sur des sujets « contrôle » n'ayant jamais fumé, ainsi que des personnes schizophrènes, certaines ayant consommé du cannabis régulièrement, ou non. Un protocole qui permettait donc d'évaluer les effets de la drogue sur la mémoire de personnes saines, mais aussi atteintes de troubles mentaux.
Tout d'abord, les chercheurs se sont intéressés à la morphologie du cerveau, afin de voir l'impact du cannabis sur les structures neuronales. Grâce à des outils de cartographie cérébrale (« brain mapping »), ils ont découvert chez les anciens gros fumeurs des anomalies, notamment au niveau de l'hippocampe.
Cette petite zone du cerveau, située dans le lobe temporal, est l'un des centres de la mémoire. Plus la consommation de cannabis avait été régulière et longue, plus les alterations de l'hippocampe étaient importantes.
Mémoire de long terme affectée
Les scientifiques ont cherché à évaluer l'impact de ces modifications structurales sur les capacités de mémorisation des individus. Ceux-ci devaient écouter une histoire pendant une minute et en restituer un maximum d'éléments, une demi-heure après.
Les résultats sont sans appel. Les anciens fumeurs réguliers ont obtenu des scores jusqu'à 18 % inférieurs à ceux des non fumeurs. Plus la consommation avait été importante et soutenue sur la durée, plus les résultats étaient mauvais.
Chez les fumeurs atteints de schizophrénie, la performance était jusqu'à 26 % inférieure à celle des schizophrènes non consommateurs de marijuana. Cela suggère que la prise de cannabis par ces malades impacte de manière particulièrement négative leurs capacités cognitives.
Prendre conscience des risques
Ces résultats sont particuièrement alarmants selon les auteurs de l'étude, car ces pertes de mémoire à long terme peuvent affecter la vie sociale des individus. Le cannabis est aujourd'hui la drogue la plus consommée aux Etats-Unis, en particulier chez les jeunes adultes. Plus de 10 % de la population américaine fume du cannabis au moins une fois chaque année, et si tous ne finissent pas par avoir une consommation régulière, les scientifiques estiment que les dommages subis par le cerveau sont trop importants pour être ignorés.
Ces chercheurs se prononcent d'ailleurs contre le mouvement de dépénalisation de l'usage du cannabis, qui s'étend à de nombreux états américains, « par crainte que cela ne fasse exploser la consommation des jeunes ».