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Chirurgie ambulatoire : une prise en charge qui dédramatise la maladie

Par Audrey Vaugrente

ENQUÊTE – 50 % de chirurgies réalisées en ambulatoire, c'est l'objectif du gouvernement. Mais pour le moment, le secteur public ne parvient qu'à 30 % d'interventions en hôpital de jour. Comment améliorer encore la prise en charge et l'accueil des patients ? Pourquoi Docteur analyse les points forts et les retards de ce mode de prise en charge.

Capture d'écran de la vidéo de l'Institut Curie
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« Vous avez bien pris votre douche à la Bétadine ? Vous avez retiré tous vos bijoux ? Quelqu’un restera bien avec vous ce soir ? » Il est sept heures et demi du matin. Emilie vient d’arriver à l’Institut Curie (Paris), accompagnée de ses deux enfants et d’une amie. Avant son opération d’un cancer du sein, une infirmière effectue les vérifications de routine. Cinq heures plus tard, Emilie ressort de la structure sur ses deux jambes. Comme elle, deux millions de personnes sont prises en charge en ambulatoire. La ministre de la Santé Marisol Touraine ambitionne de faire plus : en 2016, une intervention chirurgicale sur deux devrait se faire en ambulatoire. Mais ce nouveau mode de prise en charge nécessite une réorganisation de l’hôpital en profondeur. Pourquoi Docteur a enquêté sur les moyens d’y parvenir.

« Tout le parcours doit être tracé »

Aux côtés d’Emilie, l’infirmière explique dans le détail le déroulement de la matinée. « Je vous mets le bracelet du côté qui sera opéré. Vous descendrez à pied. Vous resterez une heure en salle d’opération, deux heures en salle de réveil. Quelqu’un vous remontera en chaise et je vous surveillerai pendant deux heures », énumère-t-elle. Quinze minutes plus tard, la patiente est en tenue : elle porte une chemise, un pantalon, des sur-chaussures, et une sur-blouse qui la maintient au chaud. Emilie est escortée, à pied, jusqu’au bloc opératoire. Dans l’ascenseur, elle montre des premiers signes d’anxiété. « Les jours avant l’opération, j’avais des crises de larmes à l’idée qu’on me retire quelque chose », confie cette femme blonde. « Mes enfants ont voulu me rassurer, ils m’ont dit qu’on m’enlèverait quelque chose de mal… mais c’est aussi quelque chose de bien. »

 

Illustration de la tenue des patients escortés au bloc opératoire (Institut Mutualiste Montsouris)

Malgré l’angoisse, pas de calmants pour Emilie : jusqu’à son entrée au bloc, la femme reste totalement autonome. L’anesthésiste, pour la détendre, l’encourage à imaginer des choses positives. L’intervention ne dure pas plus d’une heure. Mais sa prise en charge a été préparée bien à l’avance. « L’ambulatoire commence trois jours avant la chirurgie, précise Séverine Alran, chirurgienne et responsable de l’unité de chirurgie ambulatoire (UCA) de l’Institut Curie. On informe le patient dès la consultation. Il voit les infirmiers, puis l’anesthésiste. On prépare aussi la sortie. Tout le parcours doit être tracé. » L’intervention en elle-même ne change pas. Mais immédiatement après avoir suturé Emilie, la chirurgienne se poste derrière un ordinateur : « On réalise le compte rendu immédiatement, et le patient repart avec son dossier dans une pochette. On envoie aussi une copie au médecin généraliste. »

Des patients moins fragiles

A 13 heures tapantes, Emilie quitte l’Institut Curie, entourée de sa famille. L’infirmière lui a d’abord rappelé la marche à suivre pour se laver et prendre soin de la cicatrice. Le lendemain, la même personne appelle pour vérifier l’état de la cicatrice. Si tout se déroule bien, Emilie ne reverra pas de médecin avant trois semaines. Et le bilan est positif : « J’ai trouvé tout cela très rapide. J’arrive à 7 h 30, je suis au bloc à 45. Je n’ai pas eu le temps d’angoisser, conclut-elle trois jours plus tard. Quand je suis rentrée, j’ai envoyé mes enfants faire des courses. On a mangé des crêpes, on a discuté autour d’un thé. Le soir même, j’ai dormi. »

 

 

L’Institut Curie a ouvert en 2012 son unité dédiée à l’ambulatoire. En apparence, elle ressemble à n’importe quel autre service. Mais l’organisation des soins a été totalement repensée. Certaines chambres se sont transformées en salles d’attente pour les accompagnants. Et les patients restent sous surveillance non plus dans un lit, mais sur un fauteuil. « A l’Institut Curie, on est favorable à toutes les démarches qui défragilisent (sic) le patient, commente Séverine Alran. Le cancer a une connotation de maladie grave, alors que la plupart des patientes arrivent en bonne santé générale. On ne veut pas les fragiliser. » Olivier Untereiner, anesthésiste à l’Institut Mutualiste Montsouris (IMM) à Paris, souhaite aussi dédramatiser la chirurgie. Il y a d'ailleurs initié l'expérience du patient debout.

 

Ecoutez Olivier Untereiner, anesthésiste : « Venir debout, être proactif de sa prise en charge, ça diminue clairement le stress des patients. »

 

Dans la salle d’attente, les proches d’Emilie abondent en ce sens. Pour sa fille, retourner à son domicile, le soir même, allège clairement la tension. « Il y a une décennie, on restait deux ou trois jours à l’hôpital, note son fils. Il y a eu pas mal de bonnes choses depuis. »

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