Les médicaments sont au centre des préoccupations cette semaine. Après la publication mardi 24 mars du livre des 32 experts qui proposent « La Vérité sur vos médicaments », puis celle, mercredi, de la liste des 151 médicaments essentiels (sur les 5000 disponibles…), c’est maintenant l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qui se retrouve sur la scène médiatique.
Publiée également le mardi 24 mars, l’information n’a pas fait grand bruit. Pourtant, dans un article de sept pages publié sur le site Mediapart, Michaël Hajdenberg et Pascale Pascariello mettent en cause des « membres éminents » des commissions chargées d’évaluer les médicaments avant de délivrer une autorisation de mise sur le marché (AMM) et le taux de remboursement.
Citant nommément plusieurs anciens membres de la commission d’AMM, et de la commission de la transparence, les journalistes dénoncent des arrangements avec plusieurs laboratoires pharmaceutiques. Pendant plusieurs années, ces personnes auraient conseillé secrètement les laboratoires sur la meilleure manière de présenter leurs dossiers afin d’obtenir plus facilement une AMM, ou un meilleur taux de remboursement. « L’affaire, au-delà des évidentes questions déontologiques et de conflits d’intérêts qu’elle pose, interroge la probité du système sanitaire français tout entier », n’hésitent pas à affirmer Michaël Hajdenberg et Pascale Pascariello.
Cette enquête, débutée à l’été 2014, n’a pas pour but selon ses auteurs d’ « épingler une ou des personnalités ayant une forte notoriété ou contre laquelle [ils auraient] une quelconque animosité, mais de décortiquer un système ». Elle n’a pas tardé à faire réagir la ministre de la Santé, qui a estimé mercredi que « si les faits rapportés sont exacts, ils sont inacceptables, et même d’une extrême gravité. » Elle avait demandé à l’ANSM et à la HAS de « mettre en œuvre tout ce qui est en leur pouvoir pour faire la lumière sur ses affirmations. »
C’est chose faite. Jeudi soir, la Haute autorité de santé (dont dépend la commission de la transparence depuis 2005), a annoncé dans un communiqué avoir déclenché un « audit interne des procédures d’évaluation des produits cités dans l’article de Mediapart ». En cause, deux antidépresseurs, le Seroplex® (laboratoire Lundbeck) et le Cymbalta® (laboratoire Lilly). La HAS indique aussi avoir saisi la justice, précisant avoir transmis ces informations au Procureur de la République, « compétent pour mener les investigations nécessaires à l’établissement de la vérité sur l’ensemble des faits relatés, dont certains sont antérieurs à la création de la HAS, en 2005. »
Pour sa part l'ANSM a décidé la mise en place d’une mission d’enquête administrative interne « afin de dresser un état des lieux sur le rôle, au sein des instances consultatives de l’Agence jusqu’en 2011, des personnes visées dans l’article ».
La HAS rappelle avoir mis en place dès sa création des "dispositifs de gestion des liens d'intérêts", devant permettre notamment d'écarter des débats et des votes toute personne pour laquelle il y aurait un potentiel conflit d'intérêts. Les journalistes de Mediapart relèvent pour leur part, qu'une des personnes mises en cause par leur enquête a siégé à la commission de la transparence jusqu'en 2014...