Ce samedi après-midi à la gare Montparnasse, 3 bus aux couleurs de l’opération « Don de moelle osseuse, engagez-vous pour la vie » étaient affrétés et prêts à sillonner la France pour recruter plus de 18 000 donneurs. Du 29 mars au 4 avril, 21 grandes villes les accueilleront à l’occasion de la 10ème édition de la semaine de mobilisation pour le don de moelle osseuse (1).
Toute la semaine, des associations de donneurs et de malades, des patients greffés et des médecins seront présents pour informer et sensibiliser le grand public sur ce don synonyme d’espoir de guérison pour des milliers de malades en France et dans le monde.
240 000 inscrits
« C’est aussi l’occasion de dire merci à tous les donneurs qui se sont inscrits, car nous avons la chance en France d’avoir des gens extrêmement mobilisés, généreux, altruistes et citoyens, s’enthousiasme Anne Courrèges, directrice générale de l’Agence de biomédecine. Les 240 000 inscrits apportent une réelle chance de guérison à des malades qui en ont besoin. »
Ecoutez le Dr Evelyne Marry, directrice du Registre France Greffe de Moelle : « Pour devenir donneur de moelle osseuse, il faut avoir de 18 à 50 ans, il faut être en parfaite santé et accepter un entretien médical. »
Aujourd’hui, de nombreuses maladies graves du sang comme les leucémies ou les lymphomes peuvent être soignées grâce à une greffe de moelle osseuse. Dans certains cas, la greffe est même le seul moyen de sauver une vie.
L’année dernière en France, 1 943 greffes ont été réalisées. Pour plus de la moitié des malades, la greffe a été possible grâce à des donneurs anonymes, les Veilleurs de vie. « Etre donneur de moelle osseuse est un engagement dans la durée, c’est pour ça qu’on les appelle les Veilleurs de vie, explique le Dr Evelyne Marry, directrice du Registre France Greffe de Moelle. Ils s’inscrivent, puis ils attendent d’être un jour peut-être compatibles avec un patient. »
Compatibilité extrêmement rare
La compatibilité entre le donneur et le receveur est indispensable. Chaque personne possède sa propre carte d’identité génétique, le système HLA. Il n’a rien avoir avec le groupe sanguin et se compose de différents marqueurs spécifiques. Leur comparaison, entre le receveur et un donneur éventuel, permet de déterminer leur compatibilité. En dehors du cercle familial, la chance de trouver un donneur compatible est d'une sur un million. « Donc on comprend que plus on inscrira de donneurs, plus ces donneurs auront une diversité génétique, plus on permettra à des patients d’être greffés », souligne Evelyne Marry.
Ecoutez Anne Courrèges, directrice générale de l'Agence de biomédecine : « On a besoin d’avoir une très grande diversité de personnes parce que la France est diverse et on doit la retrouver dans notre fichier. »
Ce besoin d’une compatibilité parfaite a amené les registres de nombreux pays du monde à s’unir. Cette solidarité internationale permet aujourd’hui d’accéder à plus de 25 millions de donneurs. C’est ce qui a sauvé la vie à Leila, 36 ans, qui a pu bénéficier d’une greffe en mars 2011, quelques mois après avoir appris qu’elle était atteinte d’une forme agressive de leucémie. « Dans mon cas, mes deux sœurs n’étaient pas compatibles. Les équipes médicales ont donc interrogé les registres, et quelques semaines plus tard, on m’a annoncé qu’un donneur allemand était compatible », raconte la jeune femme.
Des populations sous-représentées
Toutefois, malgré l’ensemble des registres internationaux, des populations ne trouvent pas de donneurs compatibles. C’est pourquoi l’Agence de biomédecine et les associations multiplient les actions auprès des minorités ethniques sous-représentées. C’est notamment le cas de l’Association Courage Ulysse Tonye (2), fondée par Corine Tonye, mère d’un jeune garçon victime d’aplasie médullaire, une maladie du sang rare et décédé à l’âge de 13 ans.
Ecoutez Corine Tonye, présidente fondatrice de l'Association Courage Ulysse : « Les personnes d’origine africaine, magrébine, asiatique, indienne sont des populations qui sont sous-représentées. »
Lever les idées reçues
« Prélever de la moelle osseuse est très douloureux », « la moelle osseuse et la moelle épinière, c’est pareil », ces affirmations souvent entendues par les associations qui font la promotion du don de moelle osseuse sont les premiers freins. L’Agence de biomédecine et ses partenaires doivent faire preuve de pédagogie pour lutter contre ces fausses idées. « Nous organisons beaucoup de campagnes et nous sommes convaincus qu’il faut une information générale, mais c’est souvent à l’occasion d’un contact personnel quand on va au-devant des gens, quand on leur parle, que les gens prennent conscience de l’importance du don », explique Philippe Hidden, président de la coordination nationale France Moelle Espoir.
Ecoutez Leïla, patiente greffée il y a 4 ans : « Je suis venue pour montrer aux gens qui ont envie de se mobiliser que leur don va servir concrètement à sauver une vie. »
La moelle épinière se trouve dans la colonne vertébrale et fait partie du système nerveux, alors que la moelle osseuse, comme son nom l’indique, se trouve dans tous les os du corps. Elle assure la production des cellules souches hématopoïétiques à l’origine de tous les éléments indispensables du sang que sont les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes. Ainsi, « lorsque cette moelle osseuse est malade et à l’origine de maladies graves du sang, pour guérir un patient, il va falloir à un moment ou à un autre la remplacer par une moelle osseuse saine », explique Evelyne Marry.
Deux types de prélèvements
Le grand public connaît peu les modes de prélèvements possibles. Il en existe deux types qui permettent de recueillir un greffon différent correspondant aux besoins du patient. C’est le médecin greffeur qui décidera du mode de prélèvement dans l’intérêt du malade.
Tout d’abord, le plus ancien et le plus connu, le prélèvement de moelle intraosseux dans les os du bassin. Ce prélèvement permet d’obtenir les cellules souches et l’environnement dans lequel elles sont produites. Il se fait sous anesthésie générale et nécessite deux jours d’hospitalisation. Un hématome peut apparaître à l’endroit de la ponction et les douleurs sont facilement atténuées par des antidouleurs classiques.
Le deuxième type de prélèvement, et le plus courant aujourd’hui, consiste en un prélèvement sanguin par cytaphérèse. Semblable à celui utilisé pour récupérer les plaquettes, ce prélèvement nécessite une machine qui trie les cellules sanguines des cellules souches naturellement présentes dans le sang. Pour en recueillir en grande quantité, le donneur reçoit un médicament par injection sous-cutanée qui stimule la production de cellules souches et les fait passer dans le sang. Un ou deux prélèvements sont nécessaires. Ils se réalisent sans hospitalisation et anesthésie. « Vous n’avez pas mal, vous restez allongé pendant 4 heures et vous rentrez chez vous quand le prélèvement est terminé. 4 heures pour sauver une vie, c’est rien ! », témoigne Corine Tonye.
(1) http://dondemoelleosseuse.fr/