L’infertilité progresse en France et dans le monde. Les pesticides n’y sont peut-être pas étrangers. Les résidus présents sur les fruits et légumes sont associés à une moindre fertilité masculine, selon une équipe américaine. Les résultats de leur étude, parue ce 30 mars dans Human Reproduction, signalent un impact sur le nombre de spermatozoïdes et leur qualité.
Volume réduit de l’éjaculat
Des chercheurs de l’Ecole de Santé publique à l’université d’Harvard (Massachussetts, Etats-Unis) ont recruté 155 hommes qui se sont rendus dans une clinique de traitement de la fertilité. En plus des 338 échantillons de sperme, les scientifiques ont analysé les réponses à des questionnaires portant sur l’alimentation des participants. Les fruits et légumes consommés ont été classés selon leur teneur en résidus de pesticides. Pois, haricots, raisins et oignons sont considérés comme faibles en pesticides. Poivre, épinards, fraises, pommes et poires en contiennent beaucoup.
Les hommes ont été séparés en quatre groupes, selon leur consommation de fruits et légumes riches en résidus de pesticides. Ceux qui en mangeaient le plus (1,5 portion ou plus par jour) avaient 49 % de spermatozoïdes en moins dans leur semence par rapport aux participants à faible consommation (0,5 portion ou moins par jour).
Le pourcentage de spermatozoïdes normaux est également réduit de 32 % dans le dernier quartile, tout comme le volume de l’éjaculat. La consommation totale de fruits et légumes, en revanche, n’est pas associée à un changement de la qualité du sperme.
Des effets anti-androgènes
« Ces résultats ne devraient pas décourager de manger des fruits et légumes en général, conclut le Pr Jorge Chavarro, co-auteur de l’étude. En fait, nous avons découvert que leur consommation totale n’est pas du tout liée à la qualité du sperme. Cela suggère que des stratégies ciblant spécifiquement l’évitement des résidus de pesticides, en mangeant des produits bio ou en évitant les produits connus pour contenir beaucoup de résidus par exemple, seraient la solution. »
En effet, plusieurs publications ont suggéré que l’exposition aux pesticides a un impact sur la qualité du sperme. Certains, comme les pyréthoïdes, les organophosphates ou les organochlorines, auraient des effets anti-androgènes, c’est-à-dire qu’ils empêcheraient la fabrication de spermatozoïdes par l’organisme.
12 à 16 % des couples touchés
Les auteurs de l’étude reconnaissent toutefois un biais majeur : les participants se sont tous présentés dans une clinique de traitement de la fertilité. Le nombre d’hommes ayant des problèmes de qualité du sperme était donc plus élevé que dans la population générale. Par ailleurs, le choix d’une alimentation issue de l’agriculture conventionnelle ou biologique n’était pas précisé dans les questionnaires.
« Malgré un échantillon de taille relativement petite et des limitations dans l’évaluation de l’exposition, cet article construit un dossier convaincant sur l’exposition alimentaire aux pesticides qui peut affecter négativement la qualité du sperme, commentent le Dr Hagai Levine et le Pr Shanna Swan, de l’Ecole de médecine Icahn au Mont-Sinaï (New York, Etats-Unis) dans un éditorial associé. Si ce résultat doit être reproduit dans d’autres conditions et populations, il a des implications de taille pour la santé. » Et pour cause : une mauvaise qualité du sperme est la principale cause de difficultés à concevoir. L’infertilité, elle, toucherait 12 à 16 % des couples au cours de leur vie reproductive.