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Anxiété, alcoolisme…

Le binge-drinking perturbe le développement cérébral des adolescents

Par Julie Levallois

L’abus d’alcool par intermittence n’est pas sans risque. Pratiqué à l’adolescence, cela perturbe l’expression de certains gènes nécessaires au développement du cerveau.

Jonathan Hordle / Rex F/REX/SIPA

En ce dimanche de Pâques, adolescents et jeunes adultes se remettent peut-être d’une biture express. Un comportement à ne pas reproduire trop souvent, selon les chercheurs de l’université de l’Illinois (Etats-Unis). Ils publient dans la revue Neurobiology of Disease une étude sur les effets à long terme du binge-drinking à l’adolescence. C’est l’ADN lui-même qui est touché.

 

Une perturbation génétique

Les auteurs de l’étude ont donné de l’alcool à des rats « adolescents » deux jours d’affilée, puis les ont sevrés pendant 2 jours. Ce rythme a été reproduit pendant 13 jours. L’objectif : mimer le binge-drinking des adolescents et observer ses effets sur l’organisme. A l’âge adulte, les animaux ont eu le choix entre de l’eau et de l’alcool. Les spécimens exposés à l’alcool pendant leur développement choisissaient plus souvent l’éthanol. Ils présentaient aussi plus de comportements anxieux, alors même qu’ils n’étaient pas sous l’emprise d’alcool.

 

C’est en analysant les tissus de l’amygdale des rats que les chercheurs ont observé l’effet d’une biture express. Chez les animaux exposés à l’alcool, la protéine HDAC2 est plus fortement exprimée. Cela modifie les histones, protéines qui permettent à l’ADN de s’enrouler autour de lui-même. « Les gènes présents dans l’ADN étroitement enroulé autour des histones est moins actif que lorsque l’ADN est enroulé de manière plus lâche », explique le principal chercheur, Subhash Pandey. C’est ce qu’on appelle des changements épigénétiques.

 

Un phénomène réversible

Les gènes touchés par le binge-drinking sont nécessaires pour que le cerveau crée de nouvelles connexions entre les neurones (synapses). Comme ces altérations surviennent à l’adolescence, elles perturbent directement la maturation du cerveau. « Notre étude présente un mécanisme par lequel le binge-drinking à l’adolescence peut entraîner des changements épigénétiques durables… qui entraînent une anxiété accrue et un alcoolisme chez l’adulte, conclut le Dr Pandey. Le cerveau de ne se développe pas comme il le devrait, et des changements comportementaux durables sont associés à cela. »

 

Ce phénomène n’est pas irréversible. Les chercheurs ont administré aux rats un traitement du cancer qui bloque l’activité de la protéine HDAC2. Le médicament a permis de restaurer l’expression des gènes nécessaires à la formation des synapses. Le comportement des rats s’est donc amélioré. « Nous ne sommes pas certains que le médicament doive être administré sur le long terme pour annuler les dégâts de l’exposition à l’alcool à l’adolescence », souligne toutefois le Dr Pandey.