Le partage du lait maternel via internet, en plein essor aux États-Unis, inquiète les professionnels de santé, qui pointent les risques d’une absence de contrôle. L’étude parue aujourd’hui dans Pediatrics n’est pas faite pour les détromper : elle montre que le lait maternel est parfois coupé avec du lait de vache.
Augmenter les volumes
Les chercheurs de l’hôpital Nationwide Children de Columbus, dans l’Ohio, ont acheté 102 échantillons de lait, en répondant à des annonces publiées sur des sites de partage de lait. Ils ont ensuite analysé l’ADN de ces laits soit disant maternels. Les résultats montrent qu’un échantillon sur dix contenait du lait de vache, en proportion trop importante pour résulter d’une contamination accidentelle.
« Le lait de vache et le lait maternisé ressemblent au lait humain et peuvent être ajoutés au lait maternel afin d’augmenter les volumes, et ce à l’insu des acheteurs », explique la pédiatre Sarah Keim, qui a dirigé la recherche. En effet, le lait maternel vendu sur les sites de « milk sharing » peut représenter une source de revenue non négligeable, puisqu’il se négocie aux alentours de 50 euros le litre – qu’un bébé ingurgitera en un ou deux jours.
Un lait maternel dangereux
Pour les bébés qui souffrent d’allergie au lait de vache (environ un sur quarante), la consommation de lait acheté sur internet n’est donc pas recommandée. Mais les risques ne s’arrêtent pas là : parce que les procédures de contrôle sont moins strictes, le lait maternel partagé de particulier à particulier peut aussi contenir des bactéries pathogènes, voire des virus tels que celui du sida ou de l’hépatite B.
Ainsi, une étude de la même équipe, parue dans Pediatrics en octobre 2013, montrait que les trois quarts de ces échantillons de lait maternel contenaient, avant pasteurisation (normalement effectuée par l’acheteur), des taux dangereux de streptocoques. Dès 2011, en réaction à la mise en place d’un réseau mondial d’échange de lait dénommé « Human Milk 4 Human Babies », l’Agence nationale de sécurité du médicament mettait ainsi en garde contre l’échange de lait maternel entre particuliers.
Une pratique illégale en France
En France, la gestion du lait maternel est strictement encadrée par la loi, et son partage, marchand ou non, est illégal entre particuliers. Un réseau public de 18 lactariums, répartis sur tout le territoire et regroupés au sein de l’Association des lactariums de France, se charge de pourvoir à sa collecte et à sa distribution, sur la base de dons bénévols. Les mères qui y consentent sont dépistées, et le lait récolté est pasteurisé avant de faire l’objet d’analyses biologiques, destinées à vérifier qu’il ne contient ni virus ni doses dangereuses de bactéries pathogènes.
Le lait maternel issu de réseaux contrôlés – lactariums en France, banques de lait à but non lucratif aux États-Unis et en Angleterre – est destiné essentiellement aux enfants prématurés, ainsi qu’aux bébés présentant de graves pathologies, digestives ou autres. Les mères désirant, comme le recommande l’Organisation mondiale de la santé, nourrir leur bébé au lait maternel sont donc invitées, en cas de difficulté, à prendre conseil dans leur maternité ou auprès de leur pédiatre plutôt qu’à recourir à des nourrices 2.0.