Si vous lisez ce papier au moment de sa mise en ligne, vous faites peut-être partie de la part de plus en plus importante de la population qui reste connectée à Internet, même pendant les vacances. Un sondage mené récemment en Europe révèle qu'internet est devenu un facteur déterminant pour un vacancier sur trois et que 86% attendent de leur hôtel qu'il propose une connexion gratuite.
Aujourd’hui, c’est un fait avéré qu’Internet module notre cerveau – comme c’est le cas pour toute activité à laquelle nous nous livrons.
Parcourir la Toile a une action sur notre mémoire. Nous disposons de deux types de mémoire, interne et externe. La première est celle que nous stockons dans notre cerveau. La mémoire externe concerne les autres supports auxquels nous faisons appel pour rassembler nos souvenirs : les personnes qui disposent de connaissances que nous n’avons pas, les livres, et bien sûr Internet. Nous avons toujours eu à jongler entre notre mémoire interne et notre mémoire externe, comme le rappelle le Pr Francis Eustache, neuropsychologue et directeur de recherche à l’Inserm.
Toutefois, bien que le développement d’Internet s’inscrive dans un continuum évolutionniste, il se distingue des autres évolutions technologiques. Internet a connu une amplification massique sur une durée courte, ce qui n’a pas été le cas avec l’invention de l’imprimerie par exemple. Internet fait appel à une intelligence plus rapide, plus fluide, pus superficielle.En cela, l’interface d’Internet plonge ses utilisateurs dans un environnement qui peut être critique pour le fonctionnement de la mémoire.
Pr Francis Eustache, neuropsychologue, directeur de recherche à l’Inserm : « Internet est un environnement plurimodal, critique pour le fonctionnement de la mémoire. »
« La question est de trouver un équilibre entre mémoire interne et mémoire externe justement », pointe Francis Eustache.
Autre conséquence de l’usage d’Internet sur notre cerveau : l’amnésie de la source, qui « est exacerbée », poursuit Francis Eustache. En substance, l’aptitude à retenir la provenance des informations que l’on a emmagasinées est moins grande.
Surfer sur la toile permet toutefois également d’augmenter certaines de nos capacités. L’aptitude à prendre promptement une décision, la flexibilité…
La règle du 3-6-9-12 pour les enfants
Pour les effets qu’a Internet sur notre cerveau, « il reste aujourd’hui difficile d’en mesurer les conséquences. En effet, les populations actuelles ont grandi avec une culture du livre », explique le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron.
Dr Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, directeur de recherche à l’université Paris Ouest Nanterre : « La culture du livre apporte des repères essentiels. »
La culture du livre est primordiale, il faut la préserver. « Les deux sont complémentaires, il faut les alterner », complète le Dr Serge Tisseron. Quant aux enfants, il recommande d’appliquer la règle du 3-6-9-12 : pas d’écrans avant 3 ans, pas de console de jeux avant 6 ans, pas d’Internet avant 9 ans et pas d’Internet sans contrôle avant 12 ans.
Il faut garder à l’esprit qu’il y a une différence entre un usage passionnel et une pratique excessive pathologique d’Internet… bien que le terme de cyberdépendant n’existe pas, comme le rappelle le Dr Tisseron. La pratique devient pathologique lorsqu’elle occasionne par exemple des troubles du sommeil ou une réduction de la vie sociale. Si vous êtes en vacances et que vous avez lu cet article, vous n’êtes donc pas nécessairement accro à Internet.