Oscar est allongé sur un brancard à la faculté de médecine Paris Descartes. La cinquantaine, il se plaint d’une douleur violente au thorax. Il est en train de faire un infarctus. Mais, les quatre étudiants en médecine et l’infirmière qui s’activent autour de lui, n’ont pas encore fait le diagnostic. Heureusement, Oscar n’est pas un vrai malade. C’est un mannequin haute fidélité, programmé par des médecins formateurs, qui permet aux étudiants de s’initier aux situations les plus diverses et surtout d’apprendre à se coordonner.
Comme pour les pilotes d’avion, la simulation médicale devient petit à petit un passage obligé pour les étudiants mais aussi pour les médecins en exercice. « C’est une évidence, pour des raisons médicales et éthiques, nous avons décidé que nous ne ferions plus jamais les nouveaux gestes, la première fois, sur des patients et c’est d’autant plus une évidence qu’aujourd’hui nous avons des outils qui nous permettent de faire de la simulation de façon très réaliste » explique Antoine Tesnière, anesthésiste réanimateur à l’hôpital Cochin à Paris et cofondateur avec le Pr Alexandre Mignon du laboratoire de recherche en simulation médicale Ilumens à l’université Paris Descartes.
Ecoutez le Pr Antoine Tesnière, responsable du laboratoire Ilumens: « Le mannequin haute fidélité offre une grande possibilté de gestes médicaux ».
Mannequin hyperréaliste piloté par ordinateur, intervention sur des peaux synthétiques, scénarios complètement virtuels sur écran d’ordinateur, les outils à disposition aujourd’hui sont multiples. Ils permettent l’apprentissage de gestes techniques comme la mise en place de voies veineuses, les endoscopies bronchiques ou digestives ainsi que les gestes chirurgicaux.
« Mais attention, la simulation n’est pas seulement une question de mannequin high tech ou d’ordinateur puisque nous avons par exemple lancé dans notre centre des simulations de consultations, témoigne le Pr Jean-Claude Granry, responsable du pôle anesthésie réanimation et du centre de simulation au CHU d’Angers . Une sorte de jeu de rôle avec des acteurs qui jouent le rôle d’un patient standardisé, qui permet à l’étudiant mais aussi au praticien confirmé, d’apprendre les mots à dire, la conduite à tenir lors d’une annonce de cancer, lors d’une demande de prélèvement multi-organe, ou lors d’une consultation pré-anesthésique. »
Pour le Pr Granry, la simulation en santé est « un outil pédagogique innovant, particulièrement adapté à la formation des équipes soignantes », car elle permet de faire un débriefing et d’analyser les comportements de chacun. Ce travail permet d’améliorer la qualité des soins et d’assurer une meilleure sécurité.
Ecoutez le Pr Jean-Claude Granry, responsable du pôle anesthésie réanimation du CHU d’Angers: « La simulation permet d’analyser les facteurs humains en situation de crise, c’est un élément capital. »
Depuis quelques années en France, la simulation fait des émules. A l’occasion d’un rapport commandé par la Haute Autorité de Santé (HAS), le Pr Jean-Claude Granry et le Dr Marie Christine Moll ont dénombré plus de 174 établissements et 101 écoles mettant en œuvre des techniques de simulation. « En France, le nombre de centres de simulation structurés est encore limité, précise Jean-Claude Granry. Mais la démarche intéresse toutes les disciplines. » L’anesthésie-réanimation, la médecine d’urgence, la périnatalité et les soins infirmiers sont les premiers utilisateurs de ces techniques d’entraînement high-tech qui sont enseignées par des professionnels spécifiquement formés.
« Le problème se situe essentiellement au niveau des ressources humaines, souligne le Pr Granry. On compte moins d’un équivalent temps plein par centre de simulation en santé. De même, les ressources financières sont très limitées par rapport aux centres nord-américains. Par conséquent, les matériels, les équipements sont peu nombreux et encore insuffisamment diversifiés. »
Ecoutez le Pr Jean-Claude Granry: « Au plan financier ,c’est un investissement important, pour lancer un centre de simulation structuré. Il faut compter entre 200 et 300 000 euros. »
Autre avantage de la simulation, elle permet de développer la recherche. Ainsi au laboratoire Ilumens, des partenariats ont été signés avec des unités de l’université Paris Descartes, avec le centre d’éthique. « On est en train de mettre en place un travail sur l’arrêt cardiaque et les connaissances des jeunes médecins, sur les cathéters centraux, raconte Antoine Tesnière, on a aussi une collaboration très intéressante avec le laboratoire d’éthique pour arriver à comprendre les mécanismes de compréhension des jeunes étudiants au début du cursus. Donc il y a beaucoup de programmes de recherche qui dérivent de la plateforme de simulation, et pour nous ils sont un moteur important de développement. »
En outre, la HAS réflechit actuellement à l’harmonisation des pratiques de simulation et à son intégration dans les programmes de formation continue des médecins. Des recommandations sont prévues pour la fin de l’année.