Dès 2017, toute personne majeure n’ayant pas fait connaître, de son vivant, son refus au don d’organe pourra être prélevée. Les proches du défunt ne seront qu’informés au préalable du « prélèvement envisagé, de sa nature et de sa finalité ». En d’autres termes, les médecins n’auront plus à rechercher le consentement de la famille comme c’est le cas aujourd’hui.
Cette proposition, portée par les députés PS Jean-Louis Touraine et Michèle Delaunay, vise à renforcer le principe du consentement présumé sur lequel se fonde déjà la loi actuelle. L'article 46ter de la nouvelle loi de santé a été adopté vendredi soir par une vingtaine de parlementaires dans le cadre du projet de loi de santé.
Plus de 30 % de refus
Le but de ce texte est la baisse de l’opposition au don d’organe pour répondre aux besoins en greffons. « Le refus des familles représente un tiers des causes de non prélèvement », indique le Pr Benoit Barrou, Président de la Société francophone de transplantation (SFT). Un taux de refus stable depuis dix ans alors que les besoins en greffes ont considérablement augmenté. En 2014, 20 311 personnes étaient en attente d’une greffe alors que seulement 5 000 personnes ont pu être greffées.
Si les objectifs de ce texte sont louables, la méthode est discutable pour Benoit Barrou : « L’amendement visait à supprimer l’avis de la famille et à ne tenir compte comme expression de refus, que de l’inscription sur le Registre national du refus. Une attitude qui nous paraît trop brutale et trop violente et qui est intenable sur le terrain ». Adoptées par la Commission des Affaires sociales mi-mars, ces dispositions avaient suscité l’émoi des équipes de coordination de prélèvement et de certaines associations.
Contreproductif et violent
Face au tollé soulevé par ce texte, Jean-Louis Touraine et le gouvernement l’ont légèrement réecrit l'article 46ter. Ainsi, cette nouvelle version, votée par l’Assemblée, stipule que les familles seront informées « préalablement » au prélèvement. Mais surtout, il est précisé que « les formes de ce dialogue doivent se conformer aux bonnes pratiques édictées par arrêté sur proposition de l'Agence de la biomédecine ». Les sociétés savantes tout comme les associations se sont dites rassurées par ces modifications.
« On a été très inquiet des conséquences potentielles de cet amendement qui auraient pu aller complètement à l’encontre du but recherché », explique Yvanie Caillé, directrice de Renaloo, association de malades et greffés du rein.
Autres modalités de refus
L’article 46ter prévoit également que le registre soit le moyen principal mais « pas exclusif » d’exprimer son refus. Un décret en Conseil d’Etat, publié au plus tard le 1 er janvier 2017, devra ainsi fixer d’autres moyens de faire connaître son opposition.
Des députés de l’opposition ont proposé que l’accord ou le refus au prélèvement d’organe soit mentionné sur la carte Vitale. Lors de son renouvellement, le titulaire de la carte pourrait réaffirmer son choix ou changer d’avis. Cet amendement, refusé par l’Assemblée nationale, pourrait être repris par le Conseil d’Etat. L’inscription de la volonté sur le dossier médical personnalisé est également envisagée.
Mais pour faire connaître sa volonté, encore faut-il y avoir réfléchi. Pour Benoit Barrou, l’acceptation du prélèvement d’organe est intimement lié à des programmes pédagogiques pérennes, en particulier en direction des jeunes. La SFT est même prête à y participer en lien avec l’éducation nationale. « Mais depuis des années, on nous explique que c’est impossible et trop compliqué à mettre en place », explique-t-il.