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Il y a 14 700 ans

Des traces de cannibalisme retrouvées dans une grotte britannique

Par Audrey Vaugrente

A des fins funéraires ou pour survivre, les Hommes de l’Âge de Pierre consommaient parfois la chair de leurs morts. Des traces de cette pratique viennent d'être découvertes en Europe.

MARY EVANS/SIPA

Consommer la chair de ses pairs dans le cadre de rites funéraires ou pour survivre. Au Paléolithique, le cannibalisme pouvait être pratiqué, par les ancêtres de l’Homme moderne et les Néandertaliens. C’est ce que conclut cette semaine une étude menée en Angleterre Les os exhumés par les scientifiques portaient des marques de dents humaines. Le traitement des restes, lui, laisse penser à une consommation dans le cadre des rites funéraires.

 

Des crânes transformés en bol

Des crânes creusés pour être transformés en gobelets, des os mâchonnés : voilà ce qu’on trouvé des chercheurs dans la grotte de Gough, située au Royaume-Uni (voir encadré). Certains restes ont été déposés à des périodes très rapprochées il y a 14 700 ans. Outre les traces de dents, de nombreux indices concordent vers une pratique du cannibalisme, selon l’étude parue dans le Journal of Human Evolution. Une pratique déjà avérée dans plusieurs zones d’Europe centrale et occidentale au cours de la période du Magdalénien, lors de l’Âge de Pierre (Paléolithique).

« La fin du Magdalénien semble correspondre, selon les préhistoriens, à une montée tendancielle de la violence, note Georges Guille-Escuret, docteur en biologie et anthropologie contacté par Pourquoidocteur. En témoignent notamment en Europe continentale des crânes aménagés en "bols". C'est une époque où les relations sociales entre groupes ont pu se modifier sensiblement. »

 

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Georges Guille-Escuret, directeur de recherche au CNRS : « On pense qu’il y a cannibalisme quand les os humains ont été traités de la même façon que les os animaux mangés. »

 

Des os humains manufacturés

La grotte de Gough, dans le Somerset, a été découverte dans les années 1880. Les excavations ont cessé en 1992, mais la recherche d’os humains s’est poursuivie. Depuis, les archéologues ont révélé la présence d’os humains travaillés de manière intensive, mélangés à des restes de grands mammifères et d’autres artefacts (ivoire, bois de gibier…).
« En 2011, nous avons remarqué un travail particulier du crâne, et nous avons conclu que 3 crânes avaient été modifiés pour servir de bols, se souvient le Dr Silvia Bello, auteur de l’étude contactée par Pourquoidocteur. Grâce à cette nouvelle découverte, nous avons décidé d’étudier avec plus d’attention les parties en-dessous du crâne. Nous avons identifié plusieurs marques que nous avons interprétées comme appartenant à des dents humaines. Ces marques représentent une preuve sans ambiguïté de cannibalisme. »

 

Une pratique peu courante

Dans le cas des restes de la grotte de Gough, les chercheurs avancent l’hypothèse d’un cannibalisme rituel. L’auteur de l’étude, Silvia Bello, explique pourquoi une telle piste est privilégiée : « Nous suggérons qu’il est rituel parce que le dépeçage intensif des parties non-crâniennes s’accompagne d’une sculpture méticuleuse du crâne en bol. Sur le crâne, il n’y avait pas de traces de dents, précise-t-elle. La manufacture des crânes-bols, il y a 15 000 ans, a été observée au moins dans deux autres sites français (Isturiz et Le Placard). Il y a plusieurs similitudes entre ces sites, ce qui nous fait penser qu’au Magdalénien, il y avait peut-être une pratique régulière, et culturelle, du cannibalisme.

Cette pratique est recensée sur les 5 continents, mais en aucun cas elle n’aurait pu être un mode d’alimentation.  

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Georges Guille-Escuret : « Il y a alors un habitant pour 100 km2. Il est beaucoup plus inquiétant de trouver un beau-frère qu’un ennemi pour que la population se reproduise. »

 

Quand l’histoire se retourne contre elle-même

Le cannibalisme n’était que très rarement pratiqué à des fins alimentaires, ce qui est toujours le cas aujourd'hui. « Il y a des cas de cannibalisme de crise, souligne Georges Guille-Escuret. Un spécialiste des Eskimo a récolté des récits où, lors d’une crise de famine considérable, le vieillard qui va mourir demande à ses enfants de manger son corps après sa mort, pour avoir une chance de survivre. » 

Ecoutez...
Georges Guille-Escuret : « Il y a des résurgences du cannibalisme pour des raisons historiques : en Afrique de l’Ouest, du côté de Borneo… »

 

Mieux connaître les pratiques cannibalistiques fascine depuis longtemps. A tel point que « pour un préhistorien, avoir des traces de cannibalisme sur son site, c’est pratiquement avoir une assurance d'obtenir des financements pour la suite de ses recherches », plaisante Georges Guille-Escuret. Au-delà de cette fascination, les préhistoriens utilisent ces précieuses informations pour mieux décrire la culture de nos origines.