Faut-il croire tout ce que vous dit votre médecin? Pas forcément, si l'on se réfère à un récent sondage sur l'éthique médicale réalisé par le site d'information Medscape. Selon l'enquête 43% des médecins de l'Hexagone ont reconnu qu'il pouvait leur arriver de cacher la vérité à un patient.
Les jeunes médecins français, plus enclins à cèder au mensonge?
L'enquête se base sur 21500 réponses de médecins à des questions telles que «Vous arrive t-il de cacher la vérité sur le traitement d'un patient», « Prescrivez-vous des placebos sans en informer le patient»? «Êtes-vous prêt à reconnaître une erreur médicale devant le patient ? » etc.
Si la majorité des réponses proviennent de praticiens américains, leurs homologues français ont suffisament participé à l'enquête pour donner un bon aperçu de l’éthique médicale en France et de la manière dont le médecin appréhende la consultation avec son patient. Et il semblerait qu'en France, les médecins ont moins de scrupules à pratiquer la langue de bois qu'aux USA. A la question « Vous arrive t-il de ne pas divulguer une information à la demande de la famille du patient ? » 43% ont formulé un non catégorique, mais 32% ont répondu «ça dépend», notamment les praticiens âgés de moins de 40 ans, contre 10% aux Etats-Unis.
Un fort attachement au secret médical
Par ailleurs, un tiers d’entre eux reconnaissent qu'ils donnent parfois des placebos aux patients « parce que cela leur fait quand même du bien » tandis qu'un quart estime que cela "peut ou leur est déjà arrivé".
Quant à l'épineuse question de l’erreur médicale, là encore, l’écart est grand des deux côtés de l’Atlantique. En France, 16% des médecins estiment qu’il n’est pas nécessaire de dévoiler une erreur médicale au patient si celle-ci ne lui nuit pas directement, contre 3% aux USA.
En revanche, il semblerait que les praticiens français soient plus attachés au secret médical que leurs confrères américains dont une majorité (66%) se dit prêt à briser le secret médical si cela nuit directement au patient ou à son entourage, contre 40 % de leurs homologues Français.
"La vérité est un droit, pas plus"
Pour la psychologue Sylvie Fainzang, anthropologue spécialiste de la maladie, interviewée par Le Parisien, cette différence avec les Etats-Unis s'explique par un écart de culture évident : « Le monde anglo-saxon est globalement protestant et réprouve le mensonge». En France, on redoute peut-être aussi moins les poursuites judiciaires (très fréquentes aux Etats-Unis), malgré la loi Kouchner 2002 qui stipule une totale transparence dans l'information du patient sur sa maladie. « La vérité est un droit, pas plus. Au médecin de savoir si son patient est capable ou non d’encaisser le verdict. A lui encore de l’accompagner avec humanité dans la compréhension du diagnostic et du traitement", analyse Jean-Marie Montali dans l'édito du Parisien.
Des séances de simulation pour s'entraîner à l'annonce d'un diagnostic
Cependant, la manière d'annoncer un diagnostic à un patient reste une question fondamentale, encore trop peu abordée dans les formations médicales françaises même si des intiatives dans ce sens ont vu le jour ces dernières années. Les centres de simulation en santé accordent par exemple de plus en plus d’importance à la dimension psychologique dans l’apprentissage médical et font appel à des comédiens pour mettre les étudiants en médecine dans des conditions réelles. C’est le cas au CHU d'Angers et de Nice, ainsi qu’à la faculté de Montpellier-Nimes qui consacre 4h de la formation à l’annonce du diagnostic. Mais selon Marc Ychou, professeur de cancérologie, à l’origine du programme de cette faculté, ces pratiques restent trop rares : « La France a du retard, comparée aux Etats-Unis et à l’Allemagne », déplore ce dernier.