Vitamine C pour lutter contre les maux de l’hiver, levure de riz rouge contre le cholestérol ou millepertuis pour mieux dormir… On prête aux compléments alimentaires des vertus miracles et des bénéfices quasi sans limites. Pourtant, ces produits augmenteraient le risque de développer certaines pathologies chroniques comme le cancer.
Face à l’augmentation de la consommation de compléments alimentaires et sa banalisation, Tim Byers, expert américain de la prévention des cancers, a présenté les dernières conclusions marquantes sur le lien entre ces pathologies et certains suppléments au congrès annuel de l’American Association for Cancer Research, qui se tenait cette semaine à Philadelphie.
Attention aux excès
« De manière générale, le risque de cancer est plus élevé lorsque les compléments alimentaires sont consommés dans des quantités qui dépassent les apports naturels de substances contenus dans un régime équilibré », explique à Pourquoidocteur le chercheur de l’Université du Colorado aux Etats-Unis.
Cette conclusion est le fruit d’un travail mené par Tim Byers et son équipe pendant plus de 20 ans. Au départ, les scientifiques sont partis du constat qu’une consommation régulière de fruits et légumes diminue le risque de cancer. Un effet protecteur notamment dû aux nutriments, vitamines, minéraux, anti-oxydants, fibres, etc, contenus dans ces aliments. Ils ont alors supposé que les compléments alimentaires pouvaient apporter les mêmes bénéfices.
Sur-risque de cancer
« Quand nous avons testé les compléments alimentaires chez les animaux, les résultats étaient prometteurs, raconte Tim Byers. Nous avons donc pu tester notre hypothèse chez l’homme. Pendant 10 ans, nous avons étudié des milliers de patients à qui on donnait des compléments alimentaires ou un placebo ». Au terme de cette vaste étude, les chercheurs ont observé que les participants qui consommaient des vitamines et minéraux depuis une décennie développaient plus de cancers que le groupe placebo !
Bêta-carotène, vitamine E...
Ces observations ont depuis été confirmées par plusieurs essais cliniques randomisés en double aveugle - comme ceux lancés en Finlande et aux Etats-Unis dans les années 1990. Dans ces deux études, regroupant des milliers de patients, les scientifiques ont testé l’efficacité du bêta-carotène dans la prévention du cancer du poumon. Or ces deux essais ont été arrêtés avant la fin, car cet anti-oxydant augmentait considérablement le risque de cancer du poumon (18 % dans l’étude finlandaise et 28 % dans l’essai américain).
D’autres travaux ont montré que « la vitamine E augmentait de 17 % le risque de cancer de la prostate, le sélénium de 25 % le risque de développer un cancer de la peau », ajoute Tim Byers. Par ailleurs, l'association entre cancer et supplémentation en acide folique est controversée. Plusieurs publications suggèrent qu'elle augmente le risque de cancer colorectal et du sein alors que d'autres soulignent ses effets protecteurs.
Toutefois, l’expert se veut rassurant : « Les consommateurs ne doivent pas avoir peur des vitamines et minéraux. Si les dosages sont respectés, les compléments peuvent être bénéfiques. Mais ils ne doivent pas remplacer une alimentation saine et équilibrée. »
Par ailleurs, la plupart des compléments alimentaires ne sont pas censés être pris continuellement. Comme le rappelait un récent dossier de l'Inserm, l'étude INCA2 (réalisée à la fin des années 2000) avait révélé que 23 % des Français utilisant des suppléments en consommaient quotidiennement. Les laboratoires sont tenus d'indiquer la posologie à suivre sur les notices ou les emballages. En outre, la loi française précise pour une liste de 13 vitamines et 15 minéraux la dose journalière maximale autorisée.
Il est également recommandé d'éviter la consommation de plusieurs suppléments en même temps, pratique pourtant répandue. Les interactions entre les différents principes actifs ne sont pas toutes connues et peuvent provoquer des effets secondaires, parfois graves. Les compléments peuvent également interagir avec certains médicaments. Des chercheurs de l'Inserm s'intéressent actuellement aux interactions entre la prise de vitamine D et celle de traitements hormonaux de la ménopause. Une étude américaine avait montré en 2013 une augmentation du risque de cancer du sein chez les femmes se supplémentant en vitamine D.
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