Sale temps pour les chercheurs en génétique. Du moins ceux dont les travaux utilisent la prometteuse technique CRISPR-Cas9, aussi appelée « chirurgie de l’ADN ». A peine un mois après une levée de boucliers de plusieurs chercheurs, qui avaient co-signés deux tribunes, dans les prestigieuses revues scientifiques Nature et Science, c’est la publication de travaux chinois qui suscite l’émoi.
Si cette technique CRISPR-Cas9 est un sujet hautement sensible, c’est qu’elle permet d’effectuer des modifications génétiques directement dans les cellules germinales (ovules, spermatozoïdes). Des chercheurs chinois de l’université de Sun Yat-sen à Guangzhou sont allés plus loin puisqu'ils ont testé cette méthode sur des embryons humains. Comme le relate La Croix, les scientifiques ont travaillé sur plusieurs dizaines d’embryons humains issus d’une clinique de fertilité, mais qui n’étaient pas viables.
Les scientifiques ont cherché à modifier le gène responsable d’une maladie du sang (bêta-thalassémie) chez 86 embryons. Et la manipulation s’est avérée plutôt fructueuse puisque 71 ont survécu et que 28 contenaient le gène sain modifié. Cependant, le remplacement du gène défectueux a entraîné de nombreuses mutations génétiques, « non-prévues » et dont le nombre dépassait celui observé dans les expériences menées jusqu'ici in vitro sur des cellules ou chez des souris.
La publication de ces résultats le 18 avril dernier dans la revue Protein and Cell, serait sans doute passée inaperçue si de nouveau la revue Nature ne s’en était fait l’écho, comme le souligne Le Parisien.
Le quotidien relaie aujourd’hui la réaction de l’Alliance américaine pour la médecine régénérative (ARM) qui a demandé un « moratoire volontaire mondial sur ce type de travaux ». Un tel moratoire avait déjà été évoqué en mars dernier par les scientifiques signataires de la tribune dans Nature. L’ARM estime qu’il « permettrait des discussions rigoureuses et transparentes sur l'aspect légal et en matière de politiques à suivre, ainsi qu'un débat public sur la science, la sûreté et l'éthique de la modification des embryons humains ». Les experts ont ajouté que ce type de travaux sur l’embryon humain étaient « très prématurés » et qu'il est « inacceptable de [les] poursuivre à ce stade ».
Un avis que partagent apparemment les chercheurs chinois à l’origine de ces expériences, puisqu’ils ont eux-mêmes souligné dans la revue Nature qu’avant de penser appliquer cette technique CRISPR-Cas9 à des embryons viables, « il fallait que le taux de remplacement soit proche de 100 % ». Jugeant que la technique n’est « pas encore au point », ils ont annoncé avoir mis fin à leurs travaux.