Après Toulouse, c'est Lyon qui le 2 mai sera confronté au début de la pollinisation des graminées. Une épreuve pour les allergiques qui viennent déjà de subir un épisode d’alerte rouge sur presque toute la France à cause des niveaux élevés de pollens de bouleau. Pourtant, pour éviter la gorge qui gratte, les yeux qui piquent ou le nez qui coule, des solutions existent. Dans un premier temps les patients peuvent traiter les symptômes avec la prise d’antihistaminiques ou d'un collyre pour les yeux.
Mais si la gène persiste et revient chaque année, ils peuvent aussi se tourner vers des traitements dits "de fond", préventifs. La désensibilisation ou immunothérapie, a fait de grands progrès et est aujourd'hui une méthode jugée très efficace par les spécialistes.
Des gouttes ou des comprimés plutôt que l'injection
Rencontré lors du 10e Congrès Francophone d’Allergologie, qui a eu lieu du 21 au 24 avril à Paris, le Pr Alain Didier, chef du pôle des voies respiratoires au CHU de Toulouse, explique en quoi consiste cette méthode. Son principe est simple : « On administre aux patients allergiques le produit auquel ils sont sensibilisés pour induire, non pas des signes d’allergie, mais ce qu’on appelle une tolérance ». Résultat, au fur et à mesure que le médecin administre le produit à des doses croissantes la personne allergique voit disparaître ou au moins s'améliorer ses symptômes quand elle sera exposée aux allergènes, pollens, acariens, etc.
En pratique, deux possibilités d’immunothérapie existent. « L’historique, l’ancienne en France », comme le dit le Pr Alain Didier, se fait par voie injectable. Mais depuis 10-15 ans, les médecins utilisent aussi la désensibilisation par voie sublinguale. Le produit est administré sous forme de gouttes ou de comprimés. Pour que ce soit efficace, notamment pour les pollens, le traitement doit être pris plusieurs semaines avant la saison pollinique. « En pratique, le mieux, c’est quatre mois avant », conseille le Pr Alain Didier.
Il est donc déjà trop tard pour cette saison, et les plus incommodés par les allergies devront donc attendre décembre prochain.
Une efficacité validée dans de grandes études
Ce spécialiste, président de la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF), rajoute : « Cette méthode plus pratique pour la patient a en plus démontré son efficacité de façon très nette, notamment pour les pollens de graminées qui sont vraiment ceux qui nous gênent le plus en France. Elle marche aussi pour d’autres pollens comme le bouleau, des pollens assez virulents dans le Nord-est de la France. Et puis on a maintenant des données assez solides pour les acariens, des allergènes présents toute l’année, qui peuvent provoquer des crises d'asthme. Aujourd'hui, on a des validations de cette méthode sublinguale dans plusieurs études européennes menées chez un grand nombre de patients. »
Résultat, après le désensibilisation, la plupart des patients ont des symptômes moins gênants, et surtout ils ont moins besoin de recourir à des médicaments de type antihistaminiques, ou corticoïdes.
Une méthode efficace dans l’asthme dû aux acariens
Mieux encore la désensibilisation aurait des effets spectaculaires contre l’asthme dû aux acariens. « Là, on sort du domaine de la rhinite allergique pour rentrer dans l’asthme une maladie encore plus gênante que la rhinite. Il y a vraiment des études avec de grands niveaux de preuve et beaucoup de patients inclus. » L’immunothérapie a ainsi montré dans ces travaux qu’elle pouvait diminuer le traitement de fond de l’asthme (souvent des corticoïdes inhalés) et qu'elle diminuait également la fréquence des crises d’asthme. Des résultats préliminaires pour lesquels les experts attendent les publications. « Mais ce sont quand même des études très intéressantes menées en France et dans d’autres pays d’Europe », souligne le Pr Didier.
Les malades attendent 7 ans en moyenne
Pour conclure, Alain Didier souhaite faire un rappel à destination des patients qui négligent leurs allergies : « Dans certains cas la rhinite peut se compliquer et se transformer en asthme. C’est pour cela qu’il faut aller consulter précocement. » Et, même s'il est trop tard pour ce printemps, les patients peuvent déjà aller consulter un allergologue pour se faire dépister et identifier les substances auxquelles ils sont allergiques. « Une anticipation utile pour ensuite initier très rapidement le bon traitement », conclut l'allergologue. Un message de prévention que peu de Français écoutent puisque qu’un patient allergique met en moyenne 7 ans avant d’aller voir un médecin.