Ablation de l’appendice, opération d’une fracture, intervention lors d’un accouchement difficile… Dans la plupart des pays du monde, ces actes chirurgicaux de routine font cruellement défaut. En fait, près de 5 milliards d’humains (4,8) n’ont pas accès à la chirurgie - soit les deux tiers des habitants de la planète.
Mourir, faute de bistouri
Ces chiffres impressionnants sont issus de travaux publiés dans la revue The Lancet et menés par une commission de 25 experts, qui ont rassemblé des données de quelque 110 pays. Les résultats obtenus dépassent très largement leurs prévisions.
Dans cette étude, en effet, il ne s’agissait pas seulement d’évaluer la disponibilité des soins chirurgicaux dans les Etats concernés. D’autres facteurs ont été pris en compte, qui influent directement sur l’accès à ces soins – distance jusqu’aux hôpitaux (elle doit être de moins de deux heures pour qu’un soin soit accessible), sécurité de la démarche, coût de l’opération pour les patients…
Au final, en 2010, 17 millions de personnes sont mortes à travers le monde faute d’opération chirurgicale, pour des pathologies ou traumatismes curables avec une simple intervention. Ce chiffre représente le tiers des décès annuels mondiaux, et « dépasse largement le nombre cumulé de décès par VIH, tuberculose et malaria », notent les auteurs.
Des pays sans chirurgiens
Sans surprise, ce sont les pays les plus pauvres ou en voie développement, où l’on opère le moins. Ainsi, on dénombre 7 chirurgiens spécialisés pour 100 000 personnes en Afrique du Sud, 1,7 au Bangladesh, 0,1 en Sierra Leone… et 36 aux Etats-Unis, 35 au Royaume-Unis et au Brésil.
Les auteurs rappellent que sur les 313 millions d’opérations chirurgicales menées chaque année dans le monde, seule une sur vingt a lieu dans les pays à faibles revenus, où vivent pourtant plus du tiers de la population mondiale. Et lorsqu’une personne peut se payer une intervention, elle risque de tomber davantage encore dans la misère, selon les experts. Chaque année, 33 millions de patients font ainsi face à des « coûts de santé désastreux » liés à ces actes chirurgicaux, qui les plongent dans « une situation financière catastrophiques ». Payer ou mourir…
420 milliards d’euros nécessaires
Selon les scientifiques, ce drame humain ne pourra s’atténuer qu’en injectant des fonds dans les systèmes de santé les plus affaiblis, où l’accès à la chirurgie reste trop limité. Selon leurs calculs, 420 milliards d’euros sont nécessaires d’ici 2030 pour enrayer ce drame sanitaire.
La somme peut paraître élevée… mais elle est minime par rapport au coût de l’inaction, à en croire les auteurs, qui estiment qu’il s’agit moins d’une dépense que d’un investissement à long terme. Injecter cet argent est « urgent », alertent les experts, faute de quoi « les pays à faible et moyen revenus continueront à enregistrer des pertes record en terme de productivité. Ces pertes sont estimées, de manière cumulée, à 12 mille milliards de dollars entre 2015 et 2030 ».
Pour mieux comprendre la situation dans ces pays et les obstacles à l'accessibilité de la chirurgie, le Lancet a produit une vidéo avec des infographies.
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