Elle venait au Népal pour la première fois de sa vie. Christelle Périn fait partie de l’association Crystal Kids, qui parraine des petites filles népalaises vivant dans la rue, afin de les héberger et de les scolariser. Elle s’était rendue à Katmandou pour rencontrer ses filleules. Samedi, lors du séisme, elle se trouvait dans le quartier historique de Patan, au sud de la capitale, où les temples se sont effondrés devant ses yeux. Elle témoigne.
« Les oiseaux d’Hitchcock »
« Nous étions à une heure du départ pour la France, avec quatre autres Françaises venues au Népal. La veille, nous avions vu les petites de l’association. Nous nous sentions bien, nous faisions un peu de shopping avant de prendre l’avion. A ce moment-là, nous nous trouvions dans Patan, l’un des quartiers les plus anciens de Katmandou, avec son enchevêtrement de toutes petites ruelles, ses magnifiques temples.
Tout d’un coup la terre s’est mise à trembler. Impossible de dire pendant combien de temps… Les secondes nous ont paru des minutes. Nous nous sommes tout de suite attrapées la main, accroupies sur le sol. Les débris arrivaient de partout, tout s’effondrait autour de nous, dont ces temples, juste en face de nous…
Quant ça s’est calmé, nous avons couru sur la place centrale, pour que les maisons ne s’écroulent pas sur nous – car les bâtiments continuent à tomber, même quand le sol s’arrête de trembler. Les gens sortaient des maisons, avec le visage ensanglanté, les membres blessés… Des Népalais sont tout de suite montés sur les temples effondrés pour déblayer et essayer de sauver des gens. Des corps inanimés sortaient des décombres. Les secours ont bien mis deux heures à arriver. »
« Qatar Airways facturait ses billets d’avion 1500 euros »
« Pendant trois jours, j’ai été hébergée dans le jardin de l’organisateur du voyage, un Français qui vit à Katmandou depuis une vingtaine d’années. Nous nous sommes retrouvées avec d’autres groupes. C’est là où j’ai eu au téléphone la mère de Mathilde, la jeune française décédée dans la tour avec son ami. Elle la cherchait désespérément depuis 48 heures. Nous nous tous sommes mis à la chercher aussi…
Pendant ces trois jours, nous demandions de l’aide pour nous faire rapatrier, mais rien n’était prévu. A l’ambassade de France à Katmandou, ils sont trois. Tout ce qu’ils pouvaient nous proposer, c’était cinq minutes pour recharger la batterie du téléphone, pour appeler le ministère des Affaires Etrangères… qui nous renvoyait vers l’ambassade. C’était ça la France, pour nous… Personne n’avait prévu de venir nous chercher. Ils ne se rendaient pas compte que des répliques survenaient toutes les heures, et que le danger ne s’était pas éloigné. Nous nous sommes senties complètement abandonnées. Alors nous avons dû nous débrouiller seules pour rentrer en France. »
« Je culpabilise à mort… »
« Nous, on a de la chance… On est Européens, on est importants, en tout cas dans le regard des Népalais… Eux, ils étaient parqués comme des bestiaux à l’aéroport, dans des kilomètres de queue, et suppliaient pour embarquer dans les avions…
Depuis que je suis revenue, je n’arrive plus à bouger, j’ai l’impression que ça tremble tout le temps. Je culpabilise à mort… On ne m’a proposé aucune aide, aucun soutien psychologique à mon retour en France. Ils ont rayé mon nom de la liste des disparus. Et puis c’est tout ».