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Sida, paludisme, tuberculose...

Les faux médicaments tuent des dizaines de milliers d'enfants

Par la rédaction

Les médicaments contrefaits ou de mauvaise qualité compromettent des décennies de lutte contre les maladies infectieuses.

JAUBERT/SIPA

Les faux médicaments nous envahissent ! A l’occasion d’une conférence qui se tenait cette semaines à Dakar, à l’initiative de la Fondation Chirac, les experts se sont alarmés du nombre de contrefaçons et de médicaments de mauvaise qualité (mal dosés) qui inondent le marché. Dans le collimateur des scientifiques figurent des antipaludéens, antituberculeux, antibiotiques ainsi que des traitements contre la leishmaniose.

Deux antipaludéens responsables de 120 000 décès

Pour arriver à cette conclusion, les experts s'appuient sur les données analysées dans 17 études publiées début avril dans le numéro spécial de l'American Journal of Tropical Medicine and Hygiene, évaluant la qualité de médicaments utilisés contre les maladies infectieuses ou tropicales. Résultat, jusqu'à 41 % des quelques 17 000 échantillons de médicaments testés ne correspondaient pas aux normes de qualité requises.

L'une des études évoque notamment la découverte d'un faux médicament antipaludéen et d'un autre de piètre qualité contre cette maladie. À eux deux, ils auraient provoqué plus de 120 000 décès d'enfants africains de moins de 5 ans en 2013. Soit 4 % des causes de décès pour cette tranche d’âge. D'autres travaux ont dévoilé des antibiotiques de mauvaise qualité qui pourraient être nocifs et accroître la résistance microbienne.

Une pandémie de faux médicaments

Conclusion des experts, ces faux médicaments ou ceux de mauvaise qualité sont une menace grave qui pourrait compromettre des décennies de progrès contre le VIH, le paludisme ou la tuberculose dans le monde. Plusieurs de ces études préconisent donc la mise en œuvre de politiques nationales plus strictes contre ce phénomène qui prend des allures de pandémie. Les auteurs évoquent ainsi « une menace réelle et urgente ».

Gaurvika Nayyar (université Johns Hopkins, Baltimore), Joel Breman (National Institutes of Health, Bethesda) et James Herrington (université de Caroline du Nord, Chapel Hill), qui co-signent cette analyse, relatent ainsi le nombre croissant de signalements par les états, d’infractions dans les chaînes de production de médicaments, et la multiplication par deux tous les cinq ans du nombre d’articles scientifiques sur les faux médicaments.

« Aujourd'hui, le marché global des médicaments rend difficile de discerner les productions nationales et étrangères, ce qui montre le besoin d'un mécanisme mondial de contrôle de qualité des produits pharmaceutiques pour empêcher des malades d'être traités avec des médicaments falsifiés », explique l'ancienne directrice de la Food and Drug Administration (FDA), l'agence américaine des médicaments, le Dr Margaret Hamburg.


Les pays pauvres en première ligne

Pire encore, le phénomène « est répandu et sous-estimé, surtout dans les pays pauvres et à revenus intermédiaires où les systèmes de réglementation sont faibles ou inexistants », précise Jim Herrington, directeur de la faculté de santé publique de l'Université de Caroline du Nord.

« [En Afrique] les faux médicaments sont vendus comme des tomates ou des oignons sur les marchés », résume Sybil Yeboah, une responsable de l’Organisation ouest-africaine de la Santé, citée par l’AFP. La mondialisation et la pénurie de médicaments sont à la base du problème : en profitant d’une offre inférieure à la demande et de la porosité des frontières, les fournisseurs de faux médicaments inondent des marchés par ailleurs insuffisamment contrôlés.

Contrôler la qualité des médicaments

Un gâchis lorsqu’on sait que de nouvelles technologies permettant de tester la qualité des médicaments commencent à voir le jour, et que des scientifiques font part de résultats encourageants dans quatre des 17 études publiées dans le numéro spécial de l'American Journal of Tropical Medicine and Hygiene.

Ils citent par exemple des tests sur de simples cartes en papier qui se sont montrés efficaces et bon marché comme méthode portable pour détecter les médicaments de très basse qualité contre le paludisme. Mais aussi des méthodes plus sophistiquées utilisant des techniques de fluorescence et de luminescence qui peuvent déterminer la composition d'un médicament avec une plus grande précision.