- La fibromyalgie touche 2 à 3 millions de Français, dont 80 % sont des femmes.
- Le syndrome est reconnu par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) depuis 1992.
- 30 à 50 % des fibromyalgiques ont déjà fait une dépression. 90 % souffrent de troubles du sommeil.
« Ma fibromyalgie a commencé vers 15 ans. Je n’osais pas trop me plaindre, parce qu’à l’époque on n’en parlait pas, mais j’étais extrêmement fatiguée. Les douleurs étaient mises sur le compte de la croissance. Elles ont évolué avec le temps, de façon sournoise. Elles se sont installées de façon permanente après mes grossesses. » Carole Robert, présidente de Fibromyalgie France, est restée longtemps sans diagnostic et donc sans prise en charge adaptée.
Alors même qu’elle est reconnue par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) depuis 1992, la fibromyalgie n’est définie que comme un « syndrome » par l’Académie nationale de médecine. S’y ajoute le stéréotype des douleurs qui ne sont « que dans la tête » et contre lequel malades et associations luttent. A l’occasion de la Journée mondiale de la fibromyalgie, Pourquoidocteur revient sur le parcours des patients.
Des symptômes multiples
La fibromyalgie touche 2 à 3 millions de Français. Mais elle revêt une certaine part de mystère. A tel point que ce qui est aujourd’hui qualifié de syndrome a longtemps laissé les médecins perplexes. « Le bilan, qu’il soit radiologique ou sanguin, est normal. Quelqu’un qui souffre de fibromyalgie isolée n’a pas d’autres problèmes de santé, en quelque sorte, reconnaît le Dr Patrick Sichère, rhumatologue à Paris. Les douleurs sont localisées à des points reconnus, qui servent d’appui au diagnostic de syndrome fibromyalgique. » Le plus souvent, ce sont des douleurs persistantes qui caractérisent un patient. Mais de nombreux symptômes se manifestent, dont certains évoquent d’autres pathologies, ce qui complique encore le diagnostic. C’est d’ailleurs cette difficulté à définir le mal-être physique et psychique des patients qui pousse de nombreux médecins à refuser toute prise en charge.
Une dysfonction de la réponse à la douleur
« Résumer la fibromyalgie à un problème psychologique est une erreur. Elle est due à une dysfonction des centres de la douleur, au niveau du cerveau et de la moelle épinière. On peut le comparer à l’insuffisance cardiaque : chez un insuffisant, le cœur n’est pas efficace, illuste le Dr Patrick Sichère, rhumatologue à Paris. Dans le cas de la fonction douleur, c’est une dysfonction dans l’efficacité de la réponse à la douleur. »
« Je sectionnais mes symptômes »
La fibromyalgie est si complexe que les patients eux-mêmes ont du mal à évoquer les symptômes auprès de leur médecin. « J’ai eu des difficultés à me faire comprendre, se souvient Carole Robert. Je ne savais pas exprimer tous mes troubles. Je sectionnais mes symptômes selon le médecin que je voyais. Au rhumatologue je parlais de mes jambes, au cardiologue de mon arythmie. C’était compliqué de faire le lien entre mes symptômes. » Un problème de communication qui se reflète souvent dans la prise en charge, incomplète ou inadaptée.
Hypnose, relaxation, sport
Le dialogue difficile entre médecins et patients est un axe de travail majeur. L’objectif est de personnaliser au maximum la prise en charge, ce qui passe par un dialogue clair mais aussi une éducation du patient. « Dans les pathologies chroniques, il faut une intervention active du patient. Il doit comprendre presque aussi bien que le médecin la complexité qu’il porte, explique le Dr Patrick Ginies. Une fois qu’il l’a compris, il peut mieux demander de l’aide. S’il ne la comprend pas, elle sera détournée. »
C’est ainsi que certains patients se retrouvent sous antalgiques, parfois des opiacés. Au CHU de Montpellier, des patients doivent régulièrement se faire sevrer des dérivés de la morphine. D'autres patients sont placés sous antidépresseurs, qui agissent sur le système nerveux central. Les approches non médicamenteuses sont pourtant souvent celles qui apportent le plus de soulagement.
Ce sont justement les approches alternatives qui ont permis à Carole Robert de se sentir mieux. « Pendant un an et demi, je ne sortais de mon lit qu’une heure par jour. Il y a sept ans, j’ai découvert des ateliers de relaxation, de marche douce, de danse. J’ai commencé à revenir dans le mouvement, raconte-t-elle. J’ai demandé au corps médical de diminuer mes traitements. J’ai appris à gérer la douleur et le stress par ces techniques qui détournent l’esprit de cela. Cela m’a aidé à reprendre confiance en moi, et à sortir mon corps de cette rouille dans laquelle j’étais depuis longtemps. »
Des malades au caractère spécifique
« La fibromyalgie s’accompagne souvent de rapprochements avec les maladies psychiatriques », admet le Dr Olivier Dubois, psychiatre à Saujon. Selon les estimations, 30 à 50 % des fibromyalgiques ont des antécédents de dépression. L’immense majorité d’entre eux souffrent également de troubles du sommeil.
Si le syndrome a des manifestations psychologiques, il est en réalité « psychosomatique », c’est-à-dire que l’esprit et le corps interagissent. Il a même des répercussions sur le caractère des malades : « Il y a toujours un côté combattif, hyperactif, facilement culpabilisé. Les fibromyalgiques sont dans une espèce de quête de faire le maximum, comme s’il y avait un jugement sur leur état d’esprit, détaille le Dr Dubois. Il y a aussi ce fond anxieux, avec une intolérance à l’incertitude qui fait que ces gens sont souvent dans une hyperactivité qui les protège de leur angoisse. Leur corps s’épuise finalement, des signes de souffrance apparaissent. »