Traitements antiépileptiques et grossesse ne font pas bon ménage. Pourtant, des années durant, de futures mères n'auraient pas été informées des risques de malformation qui pesaient sur leur bébé. Et aujourd'hui, de nombreux enfants paient le prix de ce qui s'annonce comme le prochain scandale sanitaire.
Une famille vient de déposer plainte contre Sanofi, laboratoire fabricant le Dépakine (valproate de sodium), traitement mis en cause. Les chefs d'accusation sont, selon Le Figaro qui a eu accès à la plainte, très lourds : administration de substance nuisible, atteinte involontaire à l'intégrité de la personne, tromperie aggravée, mise en danger d'autrui, non-signalement d'effets indésirables graves.
La maman, Marine, est épileptique depuis l'enfance, et a continué à prendre son traitement durant ses deux grossesses. Et ses deux enfants sont nés (en 1999 et 2002) atteints d'un spina bifida, une malformation liée à une mauvaise fermeture du tube neural durant le développement du foetus. Il faudra attendre 2009, raconte Anne Jouan dans Le Figaro, pour que Marine Martin fasse le lien entre la prise de valproate de sodium et les malformations de ses enfants. Ce n'est qu'après deux années supplémentaires que la médecine confirmera le lien entre traitement et effets tératogènes. On est donc en 2011.
La situation semble à peine croyable quand on sait que le valproate de sodium est une molécule autorisée depuis 1960, mais surtout, que celle-ci a commencé à inquiéter les scientifiques dès le début des années 1980. Le Figaro cite ainsi une publication, parue dans la prestigieuse revue médicale The Lancet en 1982, dans laquelle les effets délétères du valproate de sodium sur les foetus étaient déjà abordés. Comme le souligne le quotidien, en 2006, on pouvait encore lire dans le Vidal : « Chez une femme épileptique traitée par valproate, il ne semble pas légitime de déconseiller une conception » !
Plus grave, le quotidien rapporte l'histoire d'un couple dont les jumeaux nés par FIV en 2008 ont eux aussi des séquelles dues au valproate pris par leur mère tout au long de la grossesse. Aucun des nombreux médecins qu'elle a consultés dans son parcours de procréation médicalement assistée ne lui ont parlé des risques liés à son traitement. Or, depuis 2007, il est précisé que « toutes les mesures seront mises en oeuvre pour envisager le recours à d'autres thérapeutiques », lorsqu'une femme traitée par valproate de sodium souhaite concevoir.
Le cas de la famille Martin n'est pas isolé. A ce jour, trois cents familles, avec au total 500 enfants souffrant de malformations, ont rejoint Marine Martin dans son combat. Ils ont fondé une association, l'Apesac, et au-delà de leur plainte contre le laboratoire, ils espèrent bien aussi obtenir des comptes de l'agence française de sécurité du médicament (ANSM), qui, une fois de plus, a tant tardé à réagir face aux dangers d'un médicament.