Dominique* se fait régulièrement faire manucure, soin du visage, massage… Rien de très original a priori lorsque l’on est une femme de 54 ans. Pourtant, ces soins esthétiques revêtent pour Dominique une dimension particulière : c’est à l’hôpital que se déroule la séance. Car depuis 6 ans, Dominique est traitée pour un cancer du sein métastasé. Les soins esthétiques lui sont prodigués par une socio-esthéticienne.
La socio-esthétique est la pratique de soins esthétiques auprès de populations souffrantes, fragilisées par une atteinte à leur intégrité physique psychique, ou en détresse sociale. Dominique explique que lorsqu’elle reçoit des soins, elle oublie qu’elle est à l’hôpital. « J’ai eu la chance que les infirmières me proposent les soins d’une socio-esthéticienne », témoigne-t-elle.
Les soins peuvent être dispensés par des professionnelles formées comme depuis 1979 à l’école de Cours d’esthétique à option humanitaire et sociale (Codes), à Tours. Le Pr Olivier Le Floch, président du Codes, insiste particulièrement sur la nécessité d’un professionnalisme autour de la discipline. Pourtant aujourd’hui, le métier peine à se faire connaître et surtout reconnaitre.
Ecoutez le Pr émérite Olivier Le Floch, cancérologue - radiothérapeute, président du Codes : « Les soins socio-esthétiques sont davantage considérés comme des soins futiles. »
La socio-esthétique est un soin de support, dont l’importance a été appuyée par les plans cancer successifs. Elle apporte une reconnaissance de la personne. « Autant on s’occupe très bien du cas médical, autant la personne est un peu laissée pour compte », résume Elisabeth Marnier, ancienne patiente de 66 ans, bénévole à l’association Europa Donna, coalition européenne contre le cancer du sein. Elle a lancé la socio-esthétique dans plusieurs établissements de Lyon. « Les soins sont un moyen de lâcher prise par rapport à la maladie », poursuit-elle.
Marie-Christine Joulot, socio-esthéticienne, s’est « tournée vers les plus nécessiteux » après 20 années de métier. « Ça a été une révélation, se souvient cette esthéticienne de formation de 58 ans. Je pensais donner et j’ai reçu. » Dans son métier, elle fait partie intégrante des équipes médicales.
Ecoutez Marie-Christine Joulot, socio-esthéticienne : « Si l’équipe douleur et soins palliatifs estime que la socio-esthétique peut être un plus, elle propose mes services. »
L’une des solutions, afin de faire reconnaître la profession de façon plus massive, a été d’initier une étude. L’objectif : comprendre s'il y a des bénéfices. « On s’est rendus compte que les soins socio-esthétiques pouvaient apporter du bien-être, explique le Dr Mahasti Saghatchian, cancérologue en pathologie mammaire à l’Institut Gustave Roussy. Malgré tout, il faut le prouver. Est-ce que les patientes en ont besoin ? Est-ce toujours approprié ? N’est-ce pas une agression de plus ? », questionne-t-elle. Le Dr Saghatchian est coordonnateur de l’étude clinique sur l’impact de la socio-esthétique. Nommée Beauty, l’étude comptera au total 400 patientes. Elle devrait être achevée en octobre 2013. En espérant que les résultats confirment les retours des patientes qui en ont bénéficié.
* Le prénom a été modifié