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Echapper aux agents infectieux
Cette année encore, des millions d’estivants exécuteront d’interminables « recto-verso » sur leur serviette de bain. Autant le savoir avant d’adopter la « toast attitude » en plein cagnard : à l’heure actuelle, en France, 50 à 70 % des cancers de la peau sont imputables à une surexposition aux rayons UVA/UVB, selon la Ligue contre le cancer. Le Centre international de recherche sur le cancer a d’ailleurs classé les rayonnements ultraviolets « cancérogènes certains pour l’homme » en 2009, au même titre que les rayonnements émis par les installations de bronzage artificiel.
Les dégâts causés par une exposition trop intense au soleil donnent froid dans le dos : mélanomes - les cancers de la peau les moins fréquents mais les plus graves, 9 780 nouveaux cas estimés en 2011 -, épithéliomas baso-cellulaires et épithéliomas spino-cellulaires - beaucoup plus nombreux mais moins dangereux, au moins 70 000 nouveaux cas estimés par an. « Un Australien sur deux fera un cancer cutané dans sa vie », lance Jean-François Doré, du Centre Léon-Bérard, à Lyon. Et « il est désormais admis que le rayonnement UVA, dont on a longtemps sous-estimé le potentiel toxique et contre lequel les produits solaires ne protègent quasiment pas, peut endommager la structure chimique de l’ADN, comme le font les UVB », renchérit Evelyne Sage, du Laboratoire de biologie des radiations, à l’Institut Curie.
La peau fragile des enfants
La plupart du temps, la machinerie cellulaire parvient à compenser ces dommages. Mais si des cellules dont le génome est mal réparé parviennent à se diviser, la réplication de l’ADN peut conduire à l’apparition de mutations et de tumeurs. Le processus de cancérogenèse comportant plusieurs étapes, des décennies peuvent s’écouler entre la première exposition aux UV et l’apparition d’un véritable cancer.
De nombreuses études épidémiologiques ont montré que l’exposition au soleil pendant l’enfance, notamment l’exposition intermittente et intense qui provoque les coups de soleil, est « un déterminant majeur dans la survenue du mélanome à l’âge adulte », indique Evelyne Sage. C’est que jusqu’à la puberté, la peau des enfants est fine et le système pigmentaire immature, d’où une plus grande vulnérabilité aux effets cancérogènes des rayons UV. L’enjeu est réel : si forte est notre attirance aujourd’hui pour les peaux halées qu’un enfant né en 2001 court 15 fois plus de risques de développer un mélanome qu’un enfant né dans les années 1930.
De nombreux points restent toutefois à élucider dans la biologie des mélanomes. « Nous voudrions déterminer quelles sont les longueurs d’ondes précisément impliquées dans la genèse de ces tumeurs, précise Jean-François Doré. Nous cherchons aussi à comprendre pourquoi les mélanomes prédominent sur le tronc chez les hommes, et sur les membres inférieurs chez les femmes, et si des localisations anatomiques différentes, selon l’âge des malades, traduisent des mécanismes d’induction différents. »
L'oeil particulièrement vulnérable
Non contente de malmener nos épidermes, l’exposition au soleil constitue aussi un des principaux facteurs de risque de la cataracte, laquelle peut aller jusqu’à la cécité. On lui doit 600 000 opérations chaque année en France. C’est que la lumière solaire induit un vieillissement du cristallin qui, à terme, peut s’opacifier.
« L’étude POLA (Pathologies oculaires liées à l’âge), que nous avons menée auprès d’un échantillon de 2 600 Sétois, est parvenue à la conclusion que les personnes vivant dans les zones les plus ensoleillées présentent un risque global de cataracte multiplié par trois », confirme Cécile Delcourt, de l’équipe Épidémiologie de la nutrition et des comportements alimentaires.
Une étude américaine suggère en outre que le risque de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), une maladie entraînant l’apparition de lésions sur la partie centrale de la rétine et responsable de la moitié des cas de cécité dans les pays industriels, pourrait être accru chez les personnes soumises à des expositions solaires intenses et prolongées, particulièrement dans leur jeunesse. « Les sujets de cette enquête ayant déclaré avoir passé plus de 5 heures par jour en extérieur pendant l’été, à l’adolescence ou dans leur trentaine, avaient en effet un risque de DMLA multiplié par 2, indique Cécile Delcourt. L’enquête Aliénor (Antioxydants, lipides essentiels, nutrition et maladies oculaires), qui a porté sur près de 1 000 sujets, et en cours de publication, devrait apporter de nouvelles données sur l’association entre DMLA et exposition solaire. » En attendant, attention les yeux !
Philippe Testard-Vaillant
Sciences et Santé, le magazine de l'Inserm
Pas de tatouage sous le soleil !
Enivrée par le grand air, votre progéniture fait des pieds et des mains pour rentrer de vacances avec une fleur dessinée sur le bras ? Refusez ! Les tatouages éphémères au henné noir proposés aux estivants, notamment sur les plages du pourtour méditerranéen, sont responsables chaque année de nombreuses allergies cutanées graves. En cause : une substance très allergisante, la paraphénylènediamine (PPD), que les tatoueurs ajoutent au henné pour lui donner une couleur noire et augmenter sa longévité. Démangeaisons, eczéma, dépigmentation… : les réactions à ce colorant se manifestent neuf à dix jours après le tatouage et peuvent être violentes. Surtout, « elles rendent allergique aux colorants textiles, aux teintures capillaires, au caoutchouc teinté, à certains anesthésiants…, et limitent l’accès aux professions qui utilisent ces produits », assure Audrey Nosbaum, chercheuse Inserm et dermatologue-allergologue à l’hôpital Lyon-Sud. Reposant sur des tests cutanés au cours desquels le patient est mis en contact avec la PPD, ce qui risque de réactiver son eczéma initial, le diagnostic de cette allergie exige de se déplacer trois fois auprès d’un allergologue. « Un nouveau test à l’aide d’une simple prise de sang est actuellement en cours de développement », annonce Audrey Nosbaum.
Références
Audrey Nosbaum : unité 851 Inserm/Université Claude-Bernard Lyon 1, Immunité, infection, vaccination
publi : A. Rozieres et al. Allergy, avril 2009 ; 64 (4) : 534-42