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Les réponses de la HAS

Hôpital : un patient sur dix victime d'un évènement indésirable

Par Bruno Martrette

Dans 1 cas sur 3, c'est le travail en équipe qui est mis en cause dans les erreurs dont sont victimes les patients à l'hôpital. La HAS dévoile sa stratégie pour réduire les risques.

DURAND FLORENCE/SIPA

En 2011, une enquête française a révélé qu’un événement indésirable grave associé aux soins surviendrait tous les 5 jours en établissement de santé (dans un service de trente lits). Un patient hospitalisé sur 10 en serait donc victime. « Des études peu nombreuses et non exhaustives », selon la Haute Autorité de Santé.
Alors, pour affiner ces résultats, la HAS a recueilli les données auprès des médecins accrédités concernant ces « Evénements Porteurs de Risque » (EPR). Il s'agit d’événements indésirables survenus en établissement de santé qui auraient pu porter préjudice au patient mais qui ont pu être évités par les soignants, des barrières de sécurité ayant fonctionné.
Parmi eux, on trouve l’erreur de médicament rattrapée avant son administration, l’erreur dans le dossier patient corrigée avant une intervention, ou encore le défaut de transmission d’une information qui retarde la mise en route d’un traitement. Dans un bilan publié ce mercredi, l’autorité publique indépendante dévoile les circonstances et les raisons de ces accidents potentiels.

 

27 % des EPR sont liés à un problème dans l’équipe

Sur les 47 276 événements porteurs de risque (EPR) déclarés par les médecins accrédités et validés par les organismes agréés pour l’accréditation, la première cause identifiée est le dysfonctionnement lié à l’équipe (27 %), la plupart du temps à cause d'un problème de communication orale ou écrite entre les professionnels. 


23 % des EPR sont liés à des dysfonctionnements dans les tâches à accomplir. On peut observer que dans plus d’un quart des cas (29 %) c’est l’indisponibilité, l’inadéquation ou la non-utilisation des protocoles qui est en cause.
Enfin, 15 % d’EPR seraient liés au patient, l’état de santé de celui-ci étant le principal facteur (plus de 43 % des cas), suivi de ses antécédents médicaux (21 %). Les problèmes de personnalités, les facteurs sociaux et familiaux représentent pour leur part 10 % des causes.

Face à ce constat, la HAS se mobilise pour réduire les risques associés aux soins et dévoile ce mercredi sa stratégie. Contactée par Pourquoidocteur, le Dr Laetitia May-Michelangeli, chef de service de la mission sécurité du patient à la Haute Autorité, confie que « pour parvenir à remplir cette mission, nous essayons de plus en plus d’agir sur les équipes de soins ».

 

Ecoute, entraide... au menu des équipes

Plus concrètement, la HAS a lancé une expérimentation inédite sur le territoire dite « Pacte » (Programme d’Amélioration Continue du Travail en Equipe), pour aider les équipes pluri professionnelles à travailler sur les facteurs organisationnels et humains : l'écoute, l’entraide, la prise en compte du stress, la communication, etc.
Depuis 2013, dix-huit équipes ont déjà expérimenté la démarche. Avec des premiers résultats positifs à la clé.
En effet, après un an d’expérimentation, les équipes ont engagé des actions sur la gestion des risques, la communication et la synergie d’équipe (meilleure définition de l’alerte, amélioration du contenu des transmissions, mise en place de staff pluri-professionnel, …).
Ce programme entame maintenant une phase pilote plus large avec presque 70 équipes déjà volontaires. Il est également envisagé, à terme, de valoriser ces équipes au niveau de la certification des hôpitaux, qui est la labellisation qualité des établissement de santé. Un argument de plus pour pousser les hôpitaux à jouer le jeu.  

Ecoutez...
Dr Laetitia May-Michelangeli, chef de service de la mission sécurité du patient à la HAS : « Les équipes ont déjà amorcé des changements, par exemple en laissant la parole à tout le monde. L'aide soignante, comme l'infirmière...»

Des programmes efficaces d'après la littérature

De plus, le programme PACTE intègre les outils pratiques élaborés ou adaptés par la HAS et destinés à aider les professionnels à mieux communiquer et travailler ensemble à chaque étape. Les équipes ont mis en place, par exemple,  de façon systématique un briefing/débriefing avant de prendre en charge le patient. « Comme ça tout le monde est d’accord sur ce qu’il faut mettre en place et l’équipe se coordonne efficacement », indique le Dr May-Michelangeli.

De là à dire que la HAS a réduit les risques associés aux soins il n’y a qu’un pas... Un pas que l’on ne peut pas encore franchir d’après cette médecin pour qui cela prendra du temps. « On fera un premier un bilan dans 3-4 ans mais nous y croyons car la littérature scientifique et des expériences identiques menées à l'étranger nous montrent que cela marche. »

Ecoutez...
Dr Laetitia May-Michelangeli : « Nous avons l'intention de diminuer de façon générale les évènements indésirables liés aux soins. Aussi bien dans le domaine péri-opératoire que dans celui des infections nosocomiales. »

Le rôle actif ou passif du "patient-traceur"

Enfin, la HAS veut rappeler au patient qu'il est aussi un acteur à part entière de sa sécurité. « Il peut jouer un rôle actif en signalant lui-même des évènements indésirables », souligne le Dr May-Michelangeli. Mais le patient peut également jouer un rôle passif pour améliorer la qualité des soins, en entrant dans des dispositifs comme le "patient-traceur" , notamment.

Avec cette méthode, en pratique, lors de la visite des établissements par des experts visiteurs de la HAS, une partie de l’évaluation repose désormais sur des dossiers patients afin de vérifier à chaque étape si la prise en charge était adaptée. Au cours de cet examen, le ressenti des patients est directement recueilli. Et alors qu’une transposition à la ville est en cours d’expérimentation les premiers résultats bénéfiques de ce dispositif se font déjà sentir à l’hôpital.
Jean-François Bretagnon, cadre supérieur de santé à l'Hôpital Henri Laborit de Poitiers (86), explique ainsi qu’en étudiant tout le parcours de la prise en charge du patient, « les professionnels ont pu voir qu’il y a un certain nombre de risques possibles liés le plus souvent à des problèmes de communication ou de traçabilité. »

Ecoutez...
Jean-François Bretagnon, cadre supérieur de santé à l'Hôpital Henri Laborit de Poitiers : « Si on prend l'exemple de l'évaluation de la douleur, le point de vue exprimé par une patient sur l'intérêt de cette évaluation a permis à l'équipe concernée de mieux comprendre...»

Ce cadre supérieur de santé conclut en rappelant l'enjeu de faire entrer davantage le patient dans le système de santé : « Des études ont montré que faire du patient, un partenaire actif de l'équipe médicale était une bonne chose. Lorsqu'on partage la gouvernance avec les usagers on est entre cinq et dix fois plus efficace que lorsqu'on ne la partage pas. Cela va aussi vers plus de démocratie sanitaire, et c'est bien ! »