Les bactéries seraient-elles les nouveaux outils de diagnostic ? Grâce aux biotechnologies, c'est aujourd'hui envisageable. Une équipe de chercheurs de l'Inserm a, en effet, montré que des bactéries « reprogrammées » sont capables de détecter les signes d’une pathologie dans les urines ou le sang. Ces travaux publiés ce mercredi dans la revue scientifique Science Translational Medicine marquent une avancée dans le domaine de la biologie de synthèse.
En combinant la biologie et les principes d’ingénierie, la biologie synthétique offre de nouvelles perspectives dans le domaine de la santé. Elle permet notamment la fabrication de médicaments innovants à moindre coût mais également le développement d’outils de diagnostic in vitro. De fait, les cellules vivantes, comme les bactéries, capables de détecter et d’interpréter de nombreux signaux chimiques sont des candidats de premier choix.
L'électronique : une source d'inspiration
Pour mener leurs travaux, les chercheurs ont alors sélectionné la bactérie Escherichia Coli. Et c’est en s’inspirant de l’électronique que les scientifiques français ont pu construire un système biologique capable de déceler avec précision si les urines contiennent ou non du glucose.
Ces bactéries ont pu acquérir cette nouvelle fonction grâce à l’implantation d’un transcriptor, une molécule d’ADN synthétique produite par les chercheurs. « C’est l’équivalent des transistors en électronique qui servent d’interrupteur et d’amplificateur », explique Jérôme Bonnet, chercheur à l'Inserm et auteur principal de l’étude. En radio, par exemple, ils permettent d’amplifier les ondes sonores et les transmettent aux haut-parleurs ».
Cette pièce est indispensable à ces bactéries pour détecter des signaux pathologiques dans les urines ou le sang car ces milieux sont très complexes. Grâce au transcriptor, les bactéries peuvent ainsi repérer des marqueurs pathologiques, et notamment le glucose, présents même en petite quantité.
Une mémoire d'éléphant
Si les bactéries sont en présence de glucose, elles changent de couleur. « Il faut environ 4 à 5 heures », indique Jérôme Bonnet. Un temps de réponse long mais le chercheur de l’Université de Montpellier souligne que cette méthode n’a pas été conçue pour réaliser des tests dans l’urgence, bien que dans le futur, lson équipe aimerait développer ce type de tests pour des applications nécessitant une réponse plus rapide.
Mieux encore, ce dispositif stocke en mémoire l’exposition au glucose durant des mois même après la mort de la cellule. Une mémoire dûe à une réaction entre le glucose et le transcriptor. En effet, à son contact, le génome des bactéries est modifié de manière irréversible. « Donc cela signifie que l’ADN d’une cellule exposée est différent de celui d’une bactérie qui n’a pas été en présence de glucose ou d’une autre molécule que l’on peut détecter, explique le chercheur. En séquençant l’ADN des bactéries, on peut savoir si elles ont été exposées dans le passé. »
Pour les chercheurs, cette étude apporte une preuve de concept. « On démontre qu’on peut utiliser ces bactéries pour détecter des paramètres cliniques pertinents », affirme Jérôme Bonnet. Ils espèrent dans le futur que cette méthode soit appliquée au suivi d’autres pathologies. Ils ont d'ailleurs déposé dans le domaine public leurs éléments génétiques afin qu'ils soient utilisés librement par d'autres équipes de recherche.