Croiser un serpent ou un scorpion figure parmi les craintes les plus fortes des mordus de virées nature dans les pays chauds. Pas d’affolement cependant ! La majorité des animaux venimeux terrestres évitent le contact avec l’homme. « La probabilité de se faire piquer par un scorpion ou mordre par un serpent est inférieure à 1 pour 10 000 personnes par an chez les touristes " traditionnels" », assure Jean-Philippe Chippaux, de l’IRD et actuellement en poste au Bénin.
Côté traitement, l’« immunothérapie », qui consiste à inoculer de très faibles doses de venin à un animal (généralement un cheval), isoler les anticorps (L) présents dans le plasma sanguin de ce dernier, les purifier puis les administrer par voie veineuse à la victime d’une « envenimation » de serpent et de scorpion constitue la seule arme efficace. Mais alors que, jusque dans les années 1970, les effets secondaires des sérums, parfois importants voire mortels, étaient fréquents, les antivenins hautement purifiés d’aujourd’hui sont bien tolérés (moins de 5 % d’effets indésirables, la plupart bénins).
Des antivenins malins
Et la recherche n’a de cesse d’améliorer encore et toujours leur efficacité. Un venin est constitué de plusieurs dizaines ou centaines de protéines dont « seules quelques-unes sont toxiques pour l’homme, rappelle Jean-Philippe Chippaux. Une des voies actuellement utilisées consiste donc à immuniser le cheval uniquement contre les composants toxiques, au lieu de lui faire fabriquer des anticorps dont une grande partie se révèle inutile. »
Par ailleurs, quelques antivenins, dont un contre le venin des très redoutables araignées violonistes américaines (Loxosceles sp.) qui hantent le Mexique, sont déjà obtenus par génie génétique. Le venin de Loxoscèle présente en effet l’avantage de ne contenir qu’une seule protéine toxique. Le gène responsable de son expression est transféré dans une bactérie qui la synthétise en grande quantité. Elle est alors inoculée au cheval pour lui faire fabriquer les anticorps.
Autre piste désormais explorée : prélever non plus les anticorps mais « les cellules qui les fabriquent - les plasmocytes, globules blancs dérivés des lymphocytes B du sang - avec lesquelles on produit un hybridome (L), explique encore Jean-Philippe Chippaux. Ce dernier fabrique les anticorps programmés par les plasmocytes. Cependant, cette voie prometteuse reste encore trop coûteuse pour être utilisée en thérapeutique. » Et d’indiquer que les industriels privilégient désormais la fabrication d’antivenins « polyvalents », c’est-à-dire associant le venin de plusieurs espèces d’une région déterminée.
Réagir sans paniquer
Qu’en est-il des autres bestioles qui piquent ? Un pour cent des Français seraient de fait allergiques aux piqûres de guêpes, d’abeilles et de frelons. Si le venin d’un de ces hyménoptères grands gâcheurs de vacances déclenche chez vous une éruption généralisée, un gonflement anormal du visage, des difficultés respiratoires avec sifflement, voire un malaise avec une chute de la tension, réagissez en vous rendant aux urgences de l’hôpital le plus proche.
La bête noire des randonneurs, la tique, affectionne les buissons et les arbustes et peut transmettre la maladie de Lyme (L), une maladie infectieuse, non contagieuse, due à une bactérie, Borrelia burgdorferi. N’essayez pas de l’arracher avec les doigts. Utilisez un crochet (en vente en pharmacie) qui contraint la diablesse à se retirer entière de l’épiderme. Cela fait, consultez un médecin qui vous mettra sous antibiotiques, si nécessaire. 2012 ayant tout l’air d’une « année à méduses », peut-être tomberez-vous sur un de ces Aliens gélatineux et ressortirez des ondes avec des cloques sur la peau. Rincez la zone sensible avec de l’eau de mer, passez du vinaigre sur la plaie (ou, à défaut, du sable) et raclez avec une carte de crédit pour éliminer les résidus. À la maison, appliquez un baume anti-démangeaison.
Autre « menace » des bords de mer : les vives. Ces poissons de roche tapis sous le sable piquent quand on leur marche dessus. Le signal d’alarme ? Une douleur très « vive », forcément, et des fourmillements jusqu’au mollet. Du calme ! Plongez le pied dans un seau d’eau chaude (40° C) pendant une demi-heure et retirez les épines à la pince à épiler.
Philippe Testard-Vaillant
Sciences et Santé, le magazine de l'Inserm
Les bons réflexes
• Dans les pays tropicaux ou équatoriaux, évitez de marcher pieds nus même dans une maison et de plonger la main dans une anfractuosité d’arbre, de rocher ou de termitière. Si vos activités (chasse, pêche, camping…) sont susceptibles de vous placer en contact avec des animaux venimeux, emportez des vêtements adaptés : pantalon épais, bottes ou chaussures renforcées, gants…
• Renseignez-vous sur les antivenins disponibles avant de partir et essayez de vous les procurer dans une pharmacie du pays visité. S’ils sont lyophilisés, ils se conservent à température ambiante. Sinon, gardez-les au réfrigérateur à + 4° C en attendant de les confier à un praticien habilité à s’en servir.
• En cas d’accident et en l’absence de trousse d’urgence, le moins est souvent le mieux. Contactez le centre de santé le plus proche et restez aussi calme que possible en attendant d’être évacué.
• Quant aux traitements « façon western » - cautérisation, amputation, succion, pose d’un garrot (laquelle comporte plus d’inconvénients que d’avantages dans les envenimements scorpioniques ou cobraïques et est contre-indiquée en cas de morsure de vipère)… - « laissez-les au rayon des romans d’aéroport », préconise Jean-Philippe Chippaux.
Anticorps
Protéine capable de reconnaître une autre molécule, et seulement celle-ci. L’anticorps vient se lier à l’antigène (la toxine du venin), favorisant son élimination par les reins ou le système immunitaire.
Hybridome
Cellule issue de la fusion d’une cellule immunitaire normale et d’une cellule immunitaire tumorale et qui cumule les propriétés des deux cellules d’origine : production d’anticorps donc et « immortalité ».
Maladie de Lyme
Responsable de manifestations cutanées, elle peut avoir des conséquences inflammatoires graves si elle est négligée.
Références
Jean-Philippe Chippaux : Centre de recherche entomologique de Cotonou ; Département Santé, Institut de recherche pour le développement (IR D-CREC )
publi :J.-P. Chippaux. Biologie Aujourd’hui, 2010 ; 204 (1) : 61-70