- Les mélanomes métastatiques sont souvent résistants aux traitements
- Les immunothérapies « anti-PD1», seules ou en association avec l'ipilimumab, augmentent la survie de plusieurs mois
- Le coût et la toxicité de l'association ipilimumab/nivolumab font débat
De bon pronostic lorsqu’ils sont diagnostiqués tôt, les mélanomes s’avèrent souvent résistants aux traitements lorsqu’ils sont à un stade métastatique (III ou IV). Malgré l’utilisation de nouvelles thérapies, seul un patient sur cinq est encore en vie cinq ans après le diagnostic. Un essai clinique de phase III, publié dans le New England Journal of Medicine et présenté au récent congrès de la Société américaine d’oncologie clinique (ASCO), démontre une meilleure efficacité de la dernière génération d’immunothérapie : les anticorps « anti-PD1 ».
Des progrès depuis 5 ans
Il y a cinq ans l’arrivée de l’ipilimumab avait déjà permis d’améliorer la prise en charge des patients atteints de mélanomes métastatiques. Cet « inhibiteur de check-point » anti-CLA-4 est d’ailleurs devenu le standard de traitement en première ligne pour ce type de cancers. Mais les résultats d’essais cliniques récents pourraient conduire à revoir les recommandations, à la faveur des anti-corps anti-PD1, la dernière génération d’inhibiteurs de check-point
Le dernier essai en date, présenté au congrès de l'ASCO à Chicago, a fourni des résultats plus que prometteurs. Mené sur plus de 900 patient de 18 à 90 ans, l’essai « CheckMate 067 » a comparé trois options thérapeutiques : le traitement de référence, le nivolumab (anticorps anti-PD1), et une combinaison des deux molécules.
9 mois supplémentaires de survie sans progression
Le nivolumab et l’association ipilimumab/nivolumab induisent un taux de réponse au traitement bien supérieur à l’ipilimumab seul : 43,7 % et 57,6 % respectivement contre 19 %.
La survie sans progression progresse, elle, aussi largement avec l’anti-PD1. Alors qu'elle ne dépasse pas trois mois en moyenne avec le traitement standard, elle grimpe à plus de 11 lorsque les patients sont traités avec la combinaison des deux molécules, et le nivolumab permet à lui seul d’atteindre les 7 mois.
Pour Michael Atkins, professeur au Centre médical de l'université de Georges Town, qui a commenté ces résultats à l'ASCO, il est clair que « l'ipilimumab seul ne peut plus être le traitement en première ligne des mélanomes métastatiques ».
Un avis que partage de nombreux spécialistes présents. « L'ipilimumab a obtenu son autorisation de mise sur la marché en France il n'y a que 5 ans mais aujourd'hui cette molécule fait déjà figure de "grand-mère" », confirme le Dr Céleste Lebbé, dermatologue à l’hôpital Saint-Louis (Paris). Fort probable donc que le prochain standard inclut un anti-PD1, le nivolumab ou le pembrolizumab, qui avait été évalué dans de précédents essais.
Une toxicité augmentée
Si ces résultats ont suscité beaucoup d’enthousiasme parmi les dermato-oncologues présents au congrès de l’ASCO, les spécialistes soulignent cependant la toxicité non négligeable de la combinaison ipilimumab/nivolumab. « Plus de la moitié des patients qui ont reçu cette bithérapie ont rapportés des effets secondaires sévères, et 36 % ont choisi d’arrêter le protocole, relève Céleste Lebbé. Il ne faut sûrement pas s’arrêter à cette toxicité, mais c’est sans doute une thérapie qui ne devrait être prescrite que par des médecins qui connaissent bien cette problématique. »
Un coût qui fait débat
Autre point qui a cristallisé les débats autour de cette bithérapie : le coût. Les traitements anti-cancéreux sont de plus en plus onéreux, et plusieurs sessions ont abordé ce problème lors de cette édition de l'ASCO. Au cours d'une session plénière, Leonard Saltz, chef du service d'oncologie gastro-intestinale au Centre anti-cancer Memorial Sloan Kettering (New-York), a présenté les estimations des coûts pour différents traitements. L'association ipilimumab/nivolumab coûterait ainsi 295 566 dollars par patient. Le traitement par nivolumab ne coûterait lui « que » 103 220 dollars. Quant à l'ipilimumab, certes moins cher, le spécialiste a tout de même souligné que son prix au gramme était aujourd'hui « 4000 fois celui de l'or ».
Face aux bénéfices que promettent ces immunothérapies, les autorités de santé devront aussi, pour leurs prochaines recommandations, tenir compte à la fois de la toxicité et des coûts des traitements. En attendant de savoir lequel deviendra le nouveau standard, Céleste Lebbé rappelle que : « pour les 40 à 50 % de patients qui présentent une mutation du gène BRAF, il existe une autre association, qui n'est pas une immunothérapie, mais qui offre aussi de bons résultats ».