Avec 80 000 interventions en 2013, la France pratiquerait-elle trop d’appendicectomies ? Cette technique est la référence dans le traitement de l’appendicite aiguë, mais pas la seule option valable. Une équipe finlandaise a évalué l’intérêt d’un traitement par antibiotiques dans les cas les plus simples. Ils ont fixé le critère d’efficacité à 24 % d’échecs. Les résultats, publiés dans le JAMA, n’atteignent pas ce seuil. Ils devraient malgré tout encourager à lancer d’autres études.
530 patients adultes atteints d’appendicite aiguë simple ont été recrutés. La moitié a bénéficié du traitement habituel, l’ablation de l’appendice. L’autre moitié a pris pendant 10 jours une combinaison d’antibiotiques (lévoflaxine-métronidazole). Pour que l’alternative soit jugée efficace, le taux d’échec ne devait pas dépasser 24 %. Dans l’année qui a suivi la première consultation, 27,3 % des patients sous antibiotiques ont dû se faire opérer. Mais aucun n’a développé d’abcès intra-abdominal ou de complication majeure.
« Envisager l’abandon de l’appendicectomie »
L’essai clinique rate donc son objectif de peu, mais il livre des résultats intéressants. C’est ce qui motive les chercheurs à appeler de leurs vœux d’autres études sur le sujet. C’est également ce que soulignent les Dr Edward Livingston (Rédacteur en chef adjoint du JAMA) et Corinne Vons (Chirurgienne à l’hôpital Jean-Verdier de Bondy, Seine-Saint-Denis) dans un éditorial associé à l’étude. « Il est temps d’envisager l’abandon de l’appendicectomie en routine chez des patients atteints de formes simples, tranchent-ils. L’opération a été utile aux patients pendant plus de 100 ans. Grâce au développement d’outils de diagnostic plus précis, comme le CT scan, et d’antibiotiques à large spectre, l’appendicectomie pourrait ne plus être nécessaire pour les formes simples, c’est-à-dire la majorité des cas d’appendicite aiguë. »
Mais avant d’administrer des antibiotiques, il faut bien définir les critères. Ils sont au nombre de trois, selon Corinne Vons, contactée par Pourquoidocteur. Ce chirurgien a elle-même mené un essai clinique, publié dans le Lancet en 2011. Elle y évaluait l’intérêt d’utiliser un antibiotique simple (amoxicilline/acide clavulanique) en remplacement de la chirurgie.
Pour trier les patients, explique-t-elle, « il faut faire des scanners pour prouver qu’il y a une appendicite et qu’elle n’est pas compliquée. Dans mon étude, on n’a pas éliminé les patients qui avaient un sarcolithe, des matières fécales solidifiées. Les auteurs de la Finlande les ont exclus, car il s’agit d’une forme compliquée. La dernière chose, c’est le problème des récidives : il y a environ 25 % des patients qui font de nouveau une appendicite aiguë. Jusqu’à maintenant, personne n’a osé les remettre aux antibiotiques. Dans la série finlandaise, ceux qui ont récidivé ont tous été opérés. 20 d’entre eux n’avaient pas d’appendicite, 5 une appendicite non compliquée. »
Cette spécialiste n’hésite d’ailleurs pas à établir un parallèle avec la diverticulite sigmoïdienne, autrefois traitée par chirurgie et aujourd’hui par antibiotiques.
Opérer à meilleur escient
Ces travaux ont lieu dans un contexte de remise en question de la nécessité de l’appendicectomie. En 1990, 300 000 interventions de ce type étaient pratiquées. 20 ans plus tard, ce nombre est tombé à 83 000 (-73 %). Depuis, les données stagnent mais tendent quand même au repli. Entre 2012 et 2013, le nombre d’opérations a reculé de 3,7 %. Un rapport de la Direction de la recherche, des études et de l’évaluation des statistiques (DREES) paru en février 2014 évoque d’ailleurs la « longue diminution des appendicectomies en France. » Si on opère moins, c’est surtout parce qu’on opère à meilleur escient, précisent ses auteurs. Mais 80 424, c’est encore trop… et toutes les interventions ne sont pas forcément justifiées.
« Ça va arriver »
Il faut malgré tout saluer le travail de la Haute Autorité de Santé (HAS), qui a publié en 2012 un rapport sur les éléments décisionnels. « On a élaboré un arbre décisionnel qui permet de structurer la démarche diagnostique », explique Michèle Morin-Surroca, chef du service Evaluation des actes professionnels à la HAS, contactée par Pourquoidocteur. Il précise notamment les signes suspects, le type d’imagerie à utiliser pour confirmer les suspicions.
Mais le recul de l’appendicectomie ne se traduit pas par un recours accru aux antibiotiques. Et pour cause : « en 2012, on a indiqué qu’il n’y avait pas de démonstration de l’efficacité des antibiotiques dans les appendicites aiguës non compliquées », rappelle Michèle Morin-Surroca. « Devant un syndrome infectieux, un traitement antibiotique n’est en aucun cas recommandé, signale l’Assurance maladie, contactée par Pourquoidocteur. Un syndrome infectieux nécessite bien au contraire une intervention, car c’est un simple diagnostic d’appendicite. Une seule étude et un article du JAMA ne sont pas suffisants, mais justifient d’autres études pour certifier ce mode de traitement. »
En l’état actuel des choses, l’appendicectomie reste donc le seul traitement valable de l’appendicite aiguë. Mais Corinne Vons ne se décourage pas : « Les antibiotiques vont arriver. Je suis sûre qu’on peut utiliser des antibiotiques moins lourds. Il faut continuer à bien sélectionner les patients, trouver un antibiotique qui ne passe pas par voie intraveineuse pour rivaliser avec la chirurgie. »
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