La version 5 de la bible de la psychiatrie arrive en France. Enfin, en français, plus exactement, puisque le DSM-5 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) édité par la société américaine de psychiatrie est disponible dans sa version originale depuis déjà deux ans. Sa sortie, en mai 2013, lors du congrès annuel de l’American psychiatric association (APA) avait déclenché une levée de boucliers sans précédent.
Dans de nombreux pays, y compris aux Etats-Unis, médecins et experts s’étaient insurgés contre un ouvrage accusé de « psychiatriser tous les comportements humains ». Le Monde rapportait en 2013, que même l’Institut américain de la santé mentale (National Institute of Mental Health) s’était désolidarisé du DSM-5. « Les patients atteints de maladies mentales valent mieux que cela », avait justifié son directeur, Thomas Insel, dans un communiqué.
Nul doute que la sortie de la version traduite du manuel, en facilitant son accès aux spécialistes qui ne maîtrisent pas la langue de Shakespeare, va relancer une salve de critiques. Mais peut-être ne faut-il pas jeter le bébé avec l’eau du bain. C’est en tout cas ce que suggère Marc Auriacombe, psychiatre, addictologue à l'université de Bordeaux, dans une interview au Point. Il fait partie des rares experts non-américains à avoir participé aux groupes de travail chargés de plancher entre 2007 et 2012 sur la dernière version du DSM.
Au-delà des polémiques, le psychiatre souligne un changement de paradigme, majeur selon lui, contenu dans le DSM-5 : la fin du distinguo entre les addictions avec substances et celles sans substances. En clair, considérer du même œil l’addiction à l’alcool et celle aux jeux vidéo. Un point de vue qui peut surprendre, mais qui, en pratique, se justifie, selon le médecin.
D'ailleurs, la France n’a pas attendu l’avis des psychiatres américains pour s’orienter vers cette prise en charge globale des comportements addictifs, souligne le psychiatre. Il rappelle ainsi que, dès 2002, les députés français ont modifié la loi afin de « fusionner la filière des centres d'alcoologie et de toxicomanie dans une branche unique ». Une approche qui permet une amélioration de la prise en charge des patients. « Cela implique la nécessité de traiter tous les sujets addicts avec la même bienveillance », se félicite Marc Auriacombe.