« Non, ce n’est pas un nouveau sida. Il semble que ce ne soit pas une maladie transmissible, pas la peine d’affoler tous les voyageurs de retour d’Asie », assure le Pr Jean-Paul Stahl, chef du service Maladies Infectieuses du CHU de Grenoble. Elle n’a pas encore de nom et pourtant cette maladie apparue à Taiwan et en Thaïlande fait déjà couler beaucoup d’encre. Et pour cause, les chercheurs qui ont décrit les premiers cas dans le prestigieux New England Journal of Medicine évoquent des symptômes similaires à ceux du sida.
L’immunité se trompe de cible. Il s’agit d’une centaine de personnes d’une cinquantaine d’années dont le système immunitaire s’est brutalement retourné contre lui-même. Leur organisme s’est mis à détruire ses propres interférons, des agents essentiels pour lutter contre les infections et les tumeurs. Leur système immunitaire ainsi affaibli, ces personnes se sont retrouvées vulnérables aux mêmes infections dites opportunistes que les malades du sida.
Mais la comparaison s’arrête là, assurent les spécialistes, car il y a entre le sida et cette nouvelle maladie une différence de taille : la pathologie asiatique ne semble pas être transmissible d’homme à homme, ni même de la mère à l’enfant. Autre différence notable avec le Sida, l'issue pour cette centaine de patients s'est révélée favorable pour le moment. Les infections opportunistes dont ils souffraient, en particulier la tuberculose, ont pu être traitées. En revanche, le dysfonctionnement de leur système immunitaire, lui, persiste. En l’état actuel des connaissances sur cette maladie dont les premiers cas remontent à 2004, le spectre d’une pandémie aussi fulgurante que celle du VIH peut visiblement être écarté.
La cause reste mystérieuse. Comment expliquer que le système immunitaire de ces malades se mette brutalement à dysfonctionner ? Pour le moment, les chercheurs n’ont aucune explication, si ce n’est qu’ils n’ont pas retrouvé d’agent infectieux responsable. Une piste est à explorer : les cas recensés ne concernent pour l’heure que des personnes d’origine asiatique.
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La publication de la description de la maladie dans une grande revue mondiale devrait permettre de savoir assez vite si d’autres populations sont concernées et quelle est la fréquence de cette maladie. En France par exemple, le Pr Didier Raoult, spécialiste des maladies infectieuses tropicales émergentes a annoncé au Parisien que son laboratoire marseillais allait lancer une étude pour identifier des cas éventuels dans l’Hexagone.