Nouveau rebondissement dans l’histoire sans fin de l’Avastin. Ce lundi, le laboratoire Roche a fait savoir qu’il s’opposait à la RTU (Recommandation Temporaire d'Utilisation) demandée par les autorités françaises dans le cadre du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).
« Roche (…) réitère son opposition à une telle mise en place alors que plusieurs alternatives thérapeutiques dûment autorisées sont disponibles dans la DMLA », fait savoir le laboratoire par voie de communiqué de presse.
Une alternative 30 fois plus chère
De fait, un traitement alternatif existe : le Lucentis, commecialisé par les laboratoires Novartis. A 800 euros l’injection, il représente le premier poste de dépenses de la Sécurité sociale. L’Avastin, lui, coûte 30 fois moins cher pour une efficacité égale. Il est utilisé depuis plusieurs années dans les hôpitaux, qui n’ont pas les moyens de s’offrir du Lucentis.
Pour encadrer cette utilisation hors AMM et réduire la facture du Lucentis, le gouvernement français a fait voter l’été dernier un amendement afin d'autoriser la prescription de l’Avastin dans le traitement de la DMLA. La RTU a été approuvée par l’ANSM en mars dernier ; la mesure devait être effective dès l’été, avec une économie, pour la Sécurité sociale, de 200 millions d’euros par an.
Roche « conscient des contraintes budgétaires »
Sauf que Roche ne l’entend pas ainsi. Bien que « conscient des contraintes budgétaires qui pèsent sur le budget de l’Etat et de la nécessité de trouver des sources d’économies », le laboratoire refuse d’appliquer la RTU et « d’assumer la responsabilité de la mise en place et du suivi d’un usage d’Avastin qu’il ne recommande pas et contraire à son AMM européenne et aux mises en garde figurant dans le RCP ».
Le laboratoire pointe notamment un risque d’infection bactériologique lié au reconditionnement du produit en injection oculaire. Ce risque a toutefois été pris en compte par la « Commission d'évaluation initiale du rapport bénéfices/risques des produits de santé » de l'ANSM, lorsqu’elle a rendu à l’unanimité un avis favorable à la RTU.
Qui doit endosser la RTU ?
Du coup, Roche suggère, un poil perfide, que la RTU soit mise en œuvre « sous la seule responsabilité de l’ANSM (…), en mettant, par exemple, la charge de l’exploitation de cette nouvelle forme et nouvelle indication à une tierce personne habilitée par l’ANSM ».
Sauf que pour l’ANSM, Roche ne peut se soustraire à l’obligation d’appliquer la RTU. « L’argument selon lequel il existe d’autres solutions pour traiter la DMLA ne tient pas, fait savoir son service de presse. Les conditions d’élaboration des RTU ont été modifiées par décret en décembre dernier, et l’existence d’alternatives thérapeutiques ne constitue pas un frein ».
Par ailleurs, l’ANSM invoque les « dispositions du Code de la santé publique », selon lesquelles « la mise en oeuvre d'une RTU et le suivi des patients inclus dans ce dispositif incombent au titulaire de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) » – au laboratoire, donc.
Roche et Novartis, un passé houleux
A noter que Novartis et Roche ont été inculpés pour « association à visée criminelle, corruption, escroquerie, dommages à l'État, agiotage ». Les deux laboratoires auraient passé un accord secret pour empêcher l’utilisation de l’Avastin dans le traitement de la DMLA. Roche a même été demandé à l'Agence européenne du médicament de modifier la notice de l'Avastin pour y ajouter des effets secondaires dans le cas d'une utilisation hors cadre.
Il se trouve que les deux laboratoires ont des liens capitalistiques directs. Novartis détient 33 % du capital de Roche. De plus, Roche perçoit des royalties sur la vente du Lucentis par Novartis. Le laboratoire n’a donc aucun intérêt à promouvoir son Avastin. Les deux groupes ont été condamnés à une amende d’1,2 milliard d’euros par la justice italienne, pays où l'Avastin est très largement prescrit dans le cadre d'une DMLA.