« Il est plus sain pour les jeunes garçons de se faire circoncire. Et les assurances devraient rembourser la circoncision ». Cette prise de position n’émane pas d’un lobby communautaire mais de la très sérieuse Académie américaine de pédiatrie. Si l’AAP prend ce débat de longue date en faveur de la circoncision, c’est parce que des arguments médicaux mais aussi économiques pèsent dans la balance.
Du côté médical, la société savante américaine brandit des études menées en Afrique.
La première, de courte durée, date de 2005. Menée par l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) en Afrique du Sud, elle met en évidence une diminution de 60 % du risque de transmission du VIH chez les hommes circoncis ayant des rapports hétérosexuels. En 2007, deux autres essais menés par le National Institutes of Health, l’un au Kenya et l’autre en Ouganda ont confirmé l’effet préventif de la circoncision : les risques d’infection par le VIH étaient réduits de 50 %.
Du point de vue économique, l’AAP met en avant une étude récente conduite par des universitaires américains. Selon eux, chaque circoncision non effectuée coûterait 313 dollars au système de santé américain. Une ardoise due aux coûts de prise en charge des infections sexuellement transmissibles qui n’auraient pas pu être évitées.
Mais la démonstration ne convainc pas franchement outre-Atlantique. Le Pr Willy Rozenbaum, co-découvreur du virus du sida, se dit « étonné » par la prise de position américaine. « Recommander la circoncision à tout le monde et la prendre en charge par la sécurité sociale ne présenterait pas d’intérêt en France, et dans l’ensemble des pays occidentaux. La circoncision n’apporte un bénéfice coût-efficace que dans des pays où le taux de prévalence du VIH est très élevé, comme en Afrique ». Or, à ce jour, aucune étude sérieuse n’a été menée dans un pays occidental. Ce qui faisait dire au Conseil national du sida en 2007 dans son avis sur la circoncision, que c’était « une modalité discutable de réduction des risques de transmission du VIH ».
L’Organisation mondiale de la santé est d’ailleurs sur la même longueur d’onde. Elle mène certes des campagnes en faveur de la circoncision dans certains pays d’Afrique, les incitant à prodiguer les soins, « gratuitement ou à un coût aussi modique que possible compte tenu des bénéfices potentiels que l’expansion des services de circoncision pourrait avoir sur la santé publique ». En effet, une nouvelle infection à VIH serait évitée pour chaque groupe de 5 à 15 hommes circoncis… mais uniquement dans les régions où la prévalence du VIH dépasse les 15 %.
« Ces données ne sont clairement pas transposables en occident », affirme l’urologue François Desgrandchamps, chef du service d'urologie à l'hôpital Saint-Louis (Paris). Et du coup, l’argumentaire économique ne tient pas non plus à ses yeux.
Ecoutez le Pr François Desgrandchamps, chef du service d'urologie à l'hôpital Saint-Louis : "Les calculs économiques sont fait à partir de données approximatives".
Faut-il préconiser la circoncision dans certains groupes à risques ?
Pour Willy Rozenbaum, la question mérite d’être posée. « Dans la ville de Washington, le taux de prévalence du VIH chez les Afro-américains est le même qu’en Ouganda ! ». L’OMS y a déjà en partie répondu en 2007, déclarant que « dans les pays où l’épidémie de VIH est concentrée chez des groupes spécifiques de population, par exemple les professionnel(les) du sexe, les consommateurs de drogues injectables ou les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes, la promotion de la circoncision parmi la population générale serait peu profitable pour la santé publique. Néanmoins, elle pourrait procurer des avantages individuels aux hommes à risque élevé d’infection à VIH transmise par voie hétérosexuelle. »
Cependant, réduire de 60% le risque d’infection ne fait pas de la circoncision l’arme absolue contre le sida, ou toute autre infection transmissible. Les experts tiennent à le marteler. Si le message qui passe, c’est « la circoncision protège du sida », les comportements à risques pourraient resurgir. Et le Pr Rozenbaum est formel, « le taux de protection de 60% peut très vite être compensé par un comportement de désinhibition.
Peu convaincus par les arguments scientifiques avancés par l’AAP, les experts français s’interrogent. L’association américaine de pédiatrie aurait-elle pris une décision plus politique que médicale ?
Ecoutez le Pr François Desgranchamps : « Le fond du problème, c’est l’argent. Les pédiatres veulent le remboursement de la circoncision. »
Cécile Coumau
La circoncision n'a rien à voir avec l'hygiène
Aux Etats-Unis, la circoncision a longtemps été promue comme un moyen d'hygiène. Les recherches médicales ont contredit ces thèses hygiénistes, mais elles ont encore beaucoup de poids dans la société américaine. En fait, pour résoudre les questions d’hygiène intime du petit garçon, il n’est plus recommandé de pratiquer un décalottage forcé dans un bain chaud. Non seulement, c’est douloureux mais en plus, le prépuce protège le gland des infections. En fait, la peau qui recouvre le pénis du petit garçon va s’enlever naturellement avec les premières érections. Et vers 4 ans, papa n’aura plus qu’à indiquer à son fils comment pratiquer une hygiène intime quotidienne.