Le Lot-et-Garonne a rejoint la liste la semaine dernière. Une dizaine de départements du Sud de la France sont désormais en phase de surveillance renforcée du moustique tigre, arrivé d’Asie du Sud-Est en 2004. Si Aedes Albopictus, de son nom scientifique, est si étroitement pisté, c’est que les femelles de cette espèce de moustique tacheté sont susceptibles de transmettre la dengue et le chikungunya. En 2006, sur l'île de la Réunion, plus du tiers de la population avait été touché par le chikungunya (voir ci-dessous).
Le scénario de départ d’une épidémie est parfaitement connu : une personne se fait piquer sur son lieu de vacances dans un pays où sévit la dengue ou le chikungunya. Elle déclare la maladie à son retour en France et se fait piquer par un moustique « hexagonal ». Ce moustique devient alors contaminant et peut transmettre le virus à sa prochaine victime.
Or Aedes Albopictus s’installe peu à peu dans les départements français, via le réseau routier et le transport de marchandises. Ce qui augmente le risque de voir un individu malade infecter un moustique qui le piquerait et créerait ainsi le foyer infectieux, point de départ de l’épidémie. Le scénario a été amorcé et contenu en 2010 avec 2 cas dengue à Nice et 2 de chikungunya à Fréjus. Mais la situation est appelée à se reproduire.
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L’enjeu est donc de mettre en place une prévention efficace. Le plus simple est de lutter contre le moustique en évitant de lui fournir des conditions favorables pour la ponte des œufs. Or les larves d’Aedes Albopictus ont besoin d’eau stagnante pour se développer. Les campagnes de prévention dans les départements touchés insistent donc sur la nécessité de supprimer les soucoupes sous les pots de fleurs, de couvrir les citernes d’une moustiquaire ou encore de vérifier le bon écoulement des gouttières. Dans les zones infestées, les services préfectoraux peuvent intervenir pour des pulvérisations locales d’insecticides.
L’autre méthode consiste à se protéger soi-même de la piqûre du moustique à l’aide de produits répulsifs. Les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées sont particulièrement concernés car on a observé qu’ils développent des formes plus graves de chikungunya et de dengue.
L’arrivée prochaine de l’automne devrait offrir un peu de répit mais l’hiver n’a pas forcément raison du moustique tigre.
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Les chercheurs travaillent donc à d’autres méthodes de lutte contre ce moustique coriace. L’équipe de Didier Fontenille à l’Institut de Recherche pour le développement de Montpellier développe à la Réunion, où plus de 30 000 cas de chikungunya ont été recensé pendant l’épidémie de 2005-2006, un programme de stérilisation des moustiques mâles pour empêcher la ponte d’œufs par les femelles. Si les tests sous serre en laboratoire se révèlent concluants, les chercheurs espèrent pouvoir dans deux ans réduire la quantité de moustiques, tout en s’affranchissant des insecticides polluants.
Afsané Sabouhi
Deux maladies pour un même moustique
Le chikungunya et la dengue sont des maladies infectieuses tropicales transmises par des moustiques du genre Aedes. Après une période d’incubation d’une semaine environ, une forte fièvre apparaît brutalement accompagnée de douleurs, articulaires dans le cas du chikungunya et plutôt musculaires et maux de tête en cas de dengue. Il n’existe pour le moment pas de traitement contre ces virus. Seules la déshydratation due aux fortes fièvres et les douleurs peuvent être prises en charge. On recommande également aux malades suspectés ou avérés de se protéger de toute nouvelle piqûre de moustique pour limiter la diffusion de leur maladie.
En 2006, une épidémie d’une ampleur sans précédent a frappé l’île de la Réunion et les autres îles du sud-ouest de l’Océan Indien. Sur l’île de la Réunion, elle a touché plus d’un tiers de la population. En 2010, un deuxième épisode avait été enregistré sur l'île mais, cette fois, de moins grande ampleur.