Il faut remonter à la vague de froid du début de l’année 2009 pour trouver des chiffres comparables. La France a enregistré entre le 6 février et le 18 mars 2012 un excès de 6000 décès par rapport à la mortalité habituelle en cette période. L’Institut de veille sanitaire (InVS), qui surveille quotidiennement les variations de mortalité de la population française depuis l’épisode caniculaire de 2003, publie aujourd’hui dans son Bulletin épidémiologique hebdomadaire les premiers chiffres de cette surmortalité, estimée à 13% par rapport aux hivers précédents. Contrairement aux 15 000 décès de l’été 2003 directement attribuables à la vague de chaleur, le scénario de l’hiver 2012 est plus complexe.
Ecoutez le Dr Céline Caserio-Schnönemann, épidémiologiste à l’InVS en charge de la surveillance sanitaire des urgences et des décès : « Il y a eu au même moment une vague de froid et une épidémie de grippe. »
Outre la rigueur d l'hiver, l’autre responsable de cette surmortalité s’appelle en effet H3N2. C’est ce virus de la grippe qui a particulièrement circulé l’hiver dernier. Or il touche plus particulièrement les personnes de plus de 65 ans, chez qui les formes graves et les complications sont plus fréquentes. Ce n’est pas la grippe qui tue directement dans la plupart des cas. Mais l’épisode grippal chez des personnes âgées déjà fragiles entraîne une décompensation de leur pathologie cardiaque, respiratoire ou autre, qui elle, cause le décès.
Difficulté supplémentaire l’hiver dernier, l’épidémie a connu son pic tardivement, au mois de février, ce qui a laissé au virus le temps de changer par rapport à celui qui était contenu dans le vaccin anti-grippal disponible dans les pharmacies depuis le mois d'octobre.
Ecoutez le Pr Bruno Lina*, virologue au CHU de Lyon et directeur du Centre national de référence sur la grippe pour la zone sud de la France : « Le nouveau variant du virus est apparu en décembre, après le vaccin. »
Des personnes vaccinées ont donc été infectées par ce nouveau virus H3N2, certaines figurent même probablement parmi les 6000 décès recensés. Même lorsque le vaccin est en adéquation avec les virus circulants, la protection n’est pas totale lorsqu’une personne âgée se fait vacciner contre la grippe. « Leur système immunitaire répond moins à la vaccination du fait de leur âge, la protection contre l’infection n’est pas complète, reconnaît Bruno Lina, mais elle reste bien plus élevée que celle d’une personne non vaccinée ».
Si ce type de raté dans la conception du vaccin reste rare, il tombe plutôt mal. Le fiasco H1N1 est encore dans toutes les mémoires et les médecins généralistes ont du mal à convaincre les sujets à risque et leur entourage de se faire vacciner.
Ecoutez le Dr Emmanuel Debost, médecin généraliste à Plombières-lès-Dijon et président du réseau des Groupes régionaux d’observation de la grippe (GROG) : « Cette surmortalité est un argument pour rappeler que la grippe n’est pas un simple rhume. »
Reste à savoir si l’argument convaincra début octobre lorsque débutera la prochaine campagne de vaccination contre la grippe. L’hiver dernier, les Français avaient boudé le vaccin, en recul de 10% chez les personnes âgées.
* Le Pr Bruno Lina déclare un lien d'intérêt avec le laboratoire Sanofi-Pasteur au titre du Centre national de référence de la grippe et à titre personnel en tant que membre du Conseil Scientifique du Groupe d'expertise et d'information sur la grippe(activité non rémunérée) et de l'European Scientific Working group on Influenza (activité non rémunérée).