Transformer une cellule de la peau, du foie ou des poumons en une cellule capable de générer n’importe quelle autre cellule de l’organisme a longtemps été un rêve des chercheurs.
Celui-ci est devenu réalité en 2006 grâce au Pr Shinya Yamanaka de l’université de Kyoto (Japon), récompensé six ans plus tard par un prix Nobel de médecine. Cette prouesse scientifique a rapidement été poursuivie par des essais chez l’homme. En septembre 2014, une femme de 70 ans atteinte d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), est ainsi devenue la première patiente traitée à l’aide de cellules pluripotentes induites ou iPS. Une équipe française cherche même à produire des globules rouges pour réaliser des transfusions.
Ces cellules fabriquées en laboratoire ont, sur la paillasse, les mêmes propriétés et le même potentiel que les cellules souches embryonnaires. Elles représentent donc une alternative pleine d’espoir, et leur utilisation ne pose aucun problème éthique, contrairement aux précédentes. Elles sont aussi très facilement accessibles, puisqu’un simple prélèvement sanguin permet de récupérer certaines cellules afin de les reprogrammer.
Une prouesse limitée par certaines barrières
Reste aujourd’hui à lever certains freins inhérents à la technique mise au point par le chercheur japonais. Celle-ci nécessite l’introduction d’un cocktail de 4 gènes dans la cellule différenciée. Une modification génétique qui doit permettre le remodelage du génome afin que la cellule efface « son programme » pour acquérir celui d’une cellule souche embryonnaire.
« Mais nous nous sommes très vite rendus compte que le processus était chaotique les premiers jours », raconte Fabrice Lavial, chargé de recherche Inserm au Centre Léon Bérard à Lyon. Après la mise en boîte de culture, les chercheurs voient en effet une grande majorité des cellules mourir. Une mort programmée par les cellules elles-mêmes, qui résistent à la remontée dans le temps et qui réduit grandement le nombre de cellules iPS produites.
Pour faire face à cet écueil, certaines équipes de recherche modifient génétiquement les cellules. Une méthode qui fait ses preuves, puisque certains travaux présentent une efficacité de 50 à 100 % contre moins de 10 % avec le protocole du Pr Yamanaka.
D’autres, comme celle de Fabrice Lavial, cherchent des molécules solubles à ajouter au milieu de culture « pour éviter de modifier davantage les cellules et améliorer tout de même la reprogrammation », explique le chercheur. Une recherche fructueuse présentée ce mercredi dans la prestigieuse revue Nature Communications.
Eteindre un facteur de survie
Les chercheurs ont découvert que l’une des premières choses que ces 4 gènes font dans la cellule est d’éteindre l’expression du gène Netrin-1 qui code pour une protéine connue pour permettre la survie des neurones, ainsi que d’autres cellules, et empêcher la formation des métastases. Autrement dit, en présence du cocktail de reprogrammation, les cellules ne produisent plus ce facteur protecteur et entrent en mort cellulaire. Cette observation suggère donc que la nétrine-1 est importante, voire indispensable, pour générer des cellules iPS.
Pour vérifier cette hypothèse, les chercheurs français ont réalisé deux expériences différentes sur des cellules de peau et d’intestin de souris, puis des cellules de peau humaines. Lors de la première, ils ont inhibé encore plus la production de nétrine-1. Ils ont alors observé que reprogrammer ces cellules sans ce facteur était très difficile. Un résultat confirmé par la seconde expérience, qui montre qu’ajouter de la nétrine-1 dans le milieu de culture améliore grandement la production de ces cellules. Chez l’homme, grâce à l’addition de nétrine-1, le nombre de cellules souches produites a été multiplié par 15 sans altérer la qualité des cellules. « Nous venons juste compenser un déficit endogène, un défaut sans modifier la cellule », s’enthousiasme le chercheur français.
Tester d'autres types cellulaires
Par ailleurs, une fois devenue une cellule pluripotente, il semblerait que la nétrine-1 joue encore un rôle. « Nous pensons que c’est encore lié à la mort cellulaire, mais pas seulement, indique Fabrice Lavial. Elle pourrait aider à maintenir la cellule au stade indifférenciée et pluripotente. »
Aujourd’hui, les travaux de l’équipe se poursuivent afin de mieux comprendre le mode d’action de cette molécule et de tester son effet sur d’autres types cellulaires. Un point fondamental dans une perspective de médecine régénérative.