Diminution des contaminations et des décès, meilleur accès aux traitements, investissements en hausse : les chiffres contenus dans les quelque 520 pages du rapport 2015 de l’ONUSIDA attestent d’un véritable succès du plan de lutte contre l’épidémie de sida, lancé il y a tout juste 15 ans. Des progrès tellement importants qu’il serait envisageable, selon l’ONUSIDA, de voir disparaître la maladie à l’horizon 2030. Un objectif ambitieux, qui demande de soutenir les efforts et les investissements consentis depuis 15 ans par la plupart des Etats.
Un bilan porteur d’espoirs
Présenté lors de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement, par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, Ban Ki-Moon, le rapport intitulé Comment le sida a tout changé – sixième OMD : 15 ans, 15 leçons d’espoir de la riposte au sida fait le point sur les réalisations accomplies depuis 2000, date à laquelle l'ONU avait fixé huit objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). La lutte contre les maladies infectieuses, en particulier le sida et la malaria, était le sixième objectif de ce programme d'envergure.
Les 8 objectifs du Millénaire pour le développement - Source : ONUSIDA
Le chemin parcouru depuis pour enrayer et inverser la propagation du VIH est tel que l'ONUSIDA estime aujourd'hui que « le monde a dépassé les attentes en matière de lutte contre le sida (…) et est sur la bonne voie pour mettre fin à l’épidémie de sida d’ici 2030 dans le cadre des objectifs de développement durable (ODD). »
En 2000, rappelle le rapport, 8 500 personnes contractaient le sida chaque jour dans le monde, et 4 300 en mouraient. Aujourd’hui, les nouvelles infections par le VIH ont baissé de 35 % et les décès liés au sida de 41 %. Entre 2000 et 2014, les nouveaux cas sont passés de 3,1 millions par an à 2 millions. Sans le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida, ce chiffre serait aujourd'hui de 6 millions, souligne le rapport. « La riposte mondiale au VIH a permis d'éviter 30 millions de nouvelles infections à VIH et près de 8 millions de décès liés au sida depuis 2000 », analyse l'ONUSIDA.
Au total, selon l'agence onusienne, 83 pays dans le monde, représentant 83 % de toutes les personnes vivant avec le VIH, ont réussi à enrayer ou inverser la propagation du VIH. Une soixantaine de pays affichent ainsi une régression de l'épidémie de plus de 20 %, parmi lesquels l'Inde, le Kenya et l'Afrique du Sud, pays qui connaissaient des épidémies pourtant majeures. Dans le classement, la France, comme plusieurs autres pays européens, fait office de mauvais élève : les contaminations ne régressent pas, et chaque année, 6 000 Français sont encore infectés. Aujourd'hui, 150 000 personnes vivent avec le VIH en France, dont 30 000 l’ignorent.
Les enfants mieux protégés
La diminution des contaminations chez les enfants est particulièrement notable : moins 58 % en 15 ans. Alors qu’en 2000, un demi million de nouveaux cas avaient été diagnostiqués, en 2014, selon les estimations de l’ONUSIDA, 85 pays comptaient moins de 50 nouvelles contaminations infantiles. Ces progrès reposent essentiellement sur une meilleure prise en charge des mères infectées par le VIH. Le taux de femmes enceintes séropositives ayant accès à un traitement anti-rétroviral a bondi de 73 % depuis le début du XXIe siècle. Et récemment, l’Organisation mondiale de la santé a annoncé que Cuba était le premier pays à avoir éradiqué la transmission du VIH de la mère à l’enfant.
Des progrès importants restent cependant à faire concernant la prise en charge des 2,6 millions enfants séropositifs : un tiers seulement était diagnostiqué en 2014, et 32 % ont accès à une thérapie antirétrovirale.
15 millions de personnes sous traitement
Parmi les nombreux chiffres du rapport publié par l’ONUSIDA, un a été particulièrement mis en exergue : 15 millions. C’est le nombre de personnes bénéficiant actuellement d’un traitement antirétriviral. « Il y a 15 ans, la loi du silence régnait, le sida était la maladie des autres, le traitement était pour les riches et non pour les pauvres, a déclaré Michel Sidibé, Directeur exécutif de l’ONUSIDA. Nous avons démontré que ces arguments étaient infondés et, à ce jour, 15 millions de personnes sont sous traitement, soit 15 millions d’histoires réussies ». Pour l’ONUSIDA, parvenir à traiter 15 millions de personnes « prouve sans l’ombre du moindre doute que le traitement peut être généralisé même dans les milieux à faibles ressources ».
En 2000, moins de 1 % des patients séropositifs étaient traités, aujourd’hui, ils sont 40 % à avoir accès à une thérapie antirétrovirale. En 15 ans, le prix annuel d’un traitement est passé de 10 000 dollars à 100, pour des médicaments de « première intention ». Car les thérapies les plus récentes, avec un nombre de comprimés réduits et surtout beaucoup moins d’effets secondaires, restent chers. Dans un communiqué, l’ONUSIDA lance un appel aux laboratoires : « Les prix des médicaments de la deuxième et nouvelle génération sont encore beaucoup trop élevés et doivent être négociés d’urgence pour être revus à la baisse ».
Des efforts à soutenir
Face à des chiffres plus qu'encourageants, l'ONUSIDA exhorte les Etats à ne surtout pas relâcher les efforts consentis depuis 15 ans. Le rapport souligne les progrès réalisés depuis l'an 2000, mais fixe d'ores et déjà les objectifs pour les années à venir. Pour espérer mettre fin à l'épidémie de sida d'ici 2030, il faudra en premier lieu assurer encore plus de ressources financières : « un investissement et non un coût », insiste l'ONUSIDA.
Depuis 2000, 187 milliards de dollars ont été alloués à la lutte contre le VIH, dont 90 milliards de dollars provenant de ressources nationales. En 2014, 50 pays ont financé plus de 75 % de leurs actions à partir de leurs propres budgets, « un grand succès en termes d'appropriation nationale de cette cause », s'est félicité l'ONUSIDA. Pour atteindre les onjectifs fixés, le budget global de la lutte contre le sida devrait passer de 22 milliards de dollars actuellement à 32 milliards par an.
L'argent n'est pas le seul levier pour encore progresser dans la lutte contre le VIH. Des efforts importants restent à faire, notamment en matière de dépistage et de prévention. L'ONUSIDA souligne aussi l'importance des avancées sociales, et déplore que de nombreux pays pénalisent encore les pratiques sexuelles entre personnes de même sexe, voire discriminent les séropositifs.
Source : ONUSIDA