A l'Assemblée Nationale, les députés planchent sur le projet de loi relatif au droit des étrangers et son article 10, qui régit le droit au séjour pour soins des expatriés malades vivant sur le territoire français. Il prévoit d’assouplir les conditions de délivrance de ce titre de séjour, et de revenir à la définition antérieure à 2011, date à laquelle ce droit a été restreint.
Soins effectifs contre droit théorique
Avant 2011, en effet, un étranger résidant depuis un an sur le territoire français pouvait obtenir un titre de séjour pour des raisons médicales lorsqu’il ne disposait pas d’un accès « effectif » aux soins dans son pays d’origine. Ainsi, des patients atteints de VIH, d’hépatite ou encore de cancer pouvaient résider en France et bénéficier d'un traitement si le système de santé de leur pays d’origine n’était pas en mesure de leur garantir ces soins nécessaires. Tous les ans, 6 000 nouvelles personnes bénéficient de ce titre et 20 000 renouvellements sont délivrés, des chiffres stables au gré des années.
Mais avec la loi Besson du 16 juin 2011, les conditions de délivrance de ce titre de séjour ont été modifiées. Le critère n’est plus l’accès « effectif » aux soins, mais l’existence même du traitement dans le pays d’origine. Une révision de la loi qui a fait bondir les associations de défense des droits des étrangers. « Il suffit que la molécule soit disponible dans un hôpital privé du pays d’origine pour que l’on considère que la personne pourra s'y faire soigner, déplore Lise Faron, responsable de la commission migrants de la Cimade. Ce qui, bien entendu, n’est pas du tout le cas, pour peu que le patient habite dans un village ou n’ait pas de couverture médicale ».
Un équilibre menacé ?
L’article 10 du projet de loi prévoit donc de revenir au caractère « effectif », et non plus théorique, de l’accès au droit dans le pays d'origine. Le texte s’est inspiré des recommandations de l’IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales), qui a produit un rapport sur l’admission aux séjours des étrangers malades.
Pour autant, une autre disposition alarme les associations. Jusqu’ici, l’évaluation médicale donnant éventuellement lieu au titre de séjour était menée par les médecins des ARS (Agences Régionales de Santé). Or, le ministère de l’Intérieur souhaite que, désormais, cette évaluation soit menée par les médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), rattaché à la Place Beauvau.
« Cela contrevient complètement à l’esprit initial de la procédure, qui a confié l’évaluation médicale aux médecins et l’évaluation administrative aux préfectures, explique Nicolas Klausser, membre de l'association Aides qui a réalisé un Observatoire des malades étrangers. Les premiers sont sous la tutelle du ministère de la Santé, les seconds, de l’Intérieur. C’est un équilibre qu’il faut absolument préserver ». L’association a proposé un amendement visant à conserver le rôle des ARS dans cette procédure.
Les associations s’inquiètent d’autant plus que, dans la pratique, certains préfets semblent depuis peu se détacher des avis favorables émis par les ARS. « Il arrive de plus en plus souvent qu’ils contre-argumentent médicalement, alors qu’ils n’ont aucune compétence sur la question, dénonce Lise Faron. Ils expliquent avoir consulté le médecin rattaché à telle ambassade, qui dit que tous les traitements sont disponibles dans leur pays… ».
Cependant, selon l'association Aides, la très grande majorité des décisions sont annulées par les tribunaux, « faute de documents suffisamment précis de la part des préfectures », précise Nicolas Klausser. Un amendement à l’article 10 a été déposé, afin que les préfets soient tenus de se conformer à l’avis médical de l'ARS. Il sera examiné dans les prochaines heures.