« Medic’Aid Test Cannabis est non seulement un moyen de déterminer s’il y a une consommation de cette substance illicite, mais surtout un outil de prévention afin d’entamer un dialogue constructif ». Vraiment ?
Depuis quelques semaines, les rayons des grandes et moyennes surfaces proposent un nouveau test de dépistage, qui permet de déceler la présence de THC (substance psychoactive de la marijuana) dans les urines. Dans un communiqué, l’entreprise promeut le recours à cet outil, alors qu’une « recrudescence importante de l’expérimentation du cannabis a été observée », ainsi qu’une « progression de son usage régulier chez les adolescents français ».
« La main dans le sac »
La cible principale de ce produit : les parents qui s’interrogent sur la consommation de leur adolescent. « La prévention est primordiale et le dialogue indispensable », observent avec clairvoyance les auteurs du communiqué. Un argument marketing qui ne convainc pourtant pas les spécialistes de l’addiction au cannabis.
« C’est vrai que l’aveu spontané d’une consommation est rare chez les adolescents, concède Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien et président de la Fédération Addiction. Pour autant, je vois mal comment cette manière de piéger l’adolescent en le prenant la main dans le sac puisse mener à un quelconque dialogue constructif ! »
Laurent Karila, psychiatre et porte-parole de SOS Addictions, n’en pense pas moins, lui qui se dit « très sceptique » sur la valeur ajoutée du produit en termes de prévention. « Une fois que l’on a un résultat positif, que fait-on ? Les tests de dépistage doivent être réservés aux professionnels de santé dans le cadre d’une prise en charge globale. Sinon, ils placent les parents dans une situation de gardien de la consommation de l’adolescent ». Ce qui risque de briser pour de bon un dialogue déjà fragilisé.
Consulter plutôt que piéger
Pour ces médecins, nul besoin d’un test de dépistage. Si des soupçons pèsent autour de la consommation de cannabis des adolescents, le meilleur moyen de bâtir un dialogue et de prodiguer des messages de prévention reste encore la consultation spécialisée. Tous deux citent les « Consultations Jeunes Consommateurs », des espaces de rencontre entre les jeunes et leur entourage familial, chapeautées par des professionnels, experts des questions d’addictions en tout genre.
Ces consultations se veulent suffisamment réalistes pour trouver un écho auprès des jeunes usagers. Elles ne diabolisent pas leur consommation, mais tentent d’insuffler aux adolescents un regard critique et lucide, afin qu’ils ne dérivent pas vers l‘addiction et demeurent dans le contrôle de leur comportement. Elles font du libre-arbitre un élément central de la thérapie, ce qui tend à s’éloigner de la philosophie du test de dépistage.
Le cannabis n’est pas l’alcool
« La consommation de cannabis est un problème complexe parmi les adolescents, insiste Laurent Karila. Face à cela, un test de dépistage ne saurait constituer une réponse efficace ».
Par ailleurs, selon Jean-Pierre Couteron, ces tests de dépistage du cannabis se calquent sur le modèle des alcotests, alors que les deux produits et leur consommation diffèrent en bien des points. « L’alcotest mesure les niveaux d’une drogue légale, sur laquelle on a défini des seuils, des règlementations… Ils permettent de se mettre en conformité avec ces règles et de se responsabiliser, d'une certaine manière. Les tests de dépistage du cannabis tendent à considérer le cannabis comme un produit similaire, alors que, par expérience, ce n’est pas aussi simple ».