Après le traitement préventif, c’est la prise en charge précoce du VIH qui confirme son efficacité. Deux études ont été présentées à la Conférence internationale sur la pathogenèse du VIH, le traitement et la prévention (Vancouver, Canada, 19-22 juillet), organisée par l’International AIDS Society. Parues simultanément dans le New England Journal of Medicine, elles confirment qu’administrer des antirétroviraux dès le diagnostic réduit le risque de maladies liées ou non au sida.
Les essais cliniques START (Strategic Timing of AntiRetroviral Treatment) et TEMPRANO ont tous les deux le même objectif : déterminer si prescrire des antirétroviraux avant que le virus du sida n’ait affecté le système immunitaire permet d’éviter les infections opportunistes ou non liées à l’infection.
Eviter cancers et maladies cardiovasculaires
A ce jour, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande d’attendre que les lymphocytes CD4+ soient à un niveau bas (350 cellules/mm3 de sang) pour débuter un traitement par antirétroviraux. Mais l’initier lorsqu’ils sont à un niveau normal (500 cellules/ mm3) est clairement bénéfique pour les patients séropositifs. Après trois ans de suivi, l’essai START permet de conclure que cette approche réduit de 72 % les événements graves liés au sida, comme les infections opportunistes. Elle diminue également de 39 % les problèmes de santé qui ne sont pas liés au VIH. Ce sont principalement des cancers, des maladies cardiovasculaires et des maladies rénales ou hépatiques.
« Plus tôt on traite, plus on protège le système immunitaire de sa destruction, plus on l'aide à se restaurer. En fait, le fait de traiter tôt protège du développement du sida. Avec un argumentaire aussi solide que les essais START et TEMPRANO, on ne peut plus le nier. On sait que les médicaments vont marcher et que les patients vont les prendre. On ne peut plus reculer », analyse Christine Rouzioux, virologue à l'hôpital Necker (Paris) et membre du groupe d'étude de l'essai TEMPRANO, contactée par Pourquoidocteur.
Les recommandations vont changer
La population incluse dans l’étude étant particulièrement jeune (36 ans d’âge médian), un suivi plus long sera nécessaire pour affirmer avec certitude que les antirétroviraux réduisent le risque de cancer, qui augmente avec l’âge. « Cette étude était suffisamment longue pour récolter des preuves importantes sur l’initiation précoce du traitement, mais trois ans, c’est une durée relativement courte par rapport à un traitement sur toute la vie », rappelle Fred Gordin, co-auteur de l’étude.
L’essai français TEMPRANO, mené par l’Agence nationale de la recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) en Côte d’Ivoire, a observé l’impact d’un traitement précoce sur le risque de tuberculose, très élevé dans ce pays. Les antirétroviraux administrés tôt réduisent effectivement la probabilité de la contracter... tout comme l’isoniazide (antituberculeux de référence).
Pour éviter les complications, mieux vaut donc administrer des antirétroviraux lorsque les patients ont toujours un niveau normal de lymphocytes CD4+. Un consensus scientifique dont l’OMS devrait tenir compte : une mise à jour des recommandations de traitement devrait être annoncée, au cours de la Conférence.
Reste un problème de taille : l’accès aux meilleurs antirétroviraux doit être assuré à toutes les populations. Dans les pays à faibles revenus, cet impératif est loin d’être assuré, comme le soulignait le récent rapport de l'ONUSIDA. A ce sujet, Christine Rouzioux se montre assez pragmatique : « Ban Ki-Moon a dit qu'il faudrait 30 milliards de dollars par an pour que tout le monde soit traité, et il faudra traiter pendant longtemps. Comment le monde va-t-il envisager ce besoin ? Tant qu'on ne pose pas la question, on ne peut pas y répondre. On va en demander plus aux Etats », reconnaît-elle. Mais cette virologue a bon espoir qu'avec le soutien d'organisations comme l'ONUSIDA et plus d'implication politique, cet objectif puisse être atteint.