Il y a ces chansons que l’on entend une fois et qu’on a dans la tête pour une bonne partie de la journée : ce sont les fameux « earworms », ou vers d’oreille. Mais il y a pire : les chansons qui tournent en boucle dans notre esprit sans même qu’on les aient entendues récemment. Ces phénomènes portent un nom, « l’imagerie musicale involontaire » (INMI), et certains neuroscientifiques s’y intéressent de près. Une équipe anglo-canadienne vient ainsi de montrer que la structure même du cerveau influence la fréquence de ces épisodes. Des résultats publiés dans la revue Consciousness and Cognition.
Epaisseur de cortex réduite
L’intérêt scientifique pour les INMI n’est pas récent, et de nombreux travaux ont déjà été menés sur le sujet. Mais jusqu’à présent, les recherches s’étaient principalement intéressées à la personnalité ou aux performances cognitives des personnes sujettes aux vers d’oreille. Mais aucune étude ne s’était encore penchée sur les bases cérébrales des INMI, soulignent les chercheurs dans leur publication.
Pour mieux comprendre le lien entre structure cérébrale et ces « images musicales », les chercheurs ont recruté une quarantaine de volontaires, tous droitiers, qui ont répondu à deux questionnaires, avant de passer une IRM cérébrale. Les images obtenues ont permis de mesurer l’épaisseur du cortex et d’évaluer le volume de matière grise dans différentes zones du cerveau.
Les résultats indiquent que les participants chez lesquels les INMI sont les plus fréquentes ont une épaisseur corticale réduite dans deux zones de chaque hémisphère. Ces quatre régions cérébrales sont connues pour être impliquées dans la perception auditive et la mémorisation. Cette association se vérifie même chez les sujets n’ayant pas encore atteint la quarantaine et est donc indépendante du vieillissement cérébral.
Des différences aussi selon le ressenti
L’imagerie cérébrale a également montré des différences de structure cérébrale entre les individus qui vivaient mal le fait d’avoir des chansons persistantes dans la tête et ceux pour qui c’est plutôt un phénomène agréable. Les premiers ont plus de matière grise dans l’aire temporale droite, une zone liée aux processus affectifs et aux émotions. De même, des variations régionales de contenu en matière grise ont été retrouvées chez ceux qui trouvent dans les INMI une aide pour se concentrer, ou effectuer une tâche très précise. « Ces résultats apportent la preuve pour la première fois que les INMI sont un phénomène qui mobilise les circuits cérébraux impliqués dans la perception, les émotions, la mémoire et les pensées spontanées », résument les auteurs de la publication.