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Médecin infecté en Sierra Leone

Ebola : Fabrizio Pulvirenti, un survivant militant

Par Audrey Vaugrente

PORTRAIT – Son regard serein ne dit rien de son expérience. Fabrizio Pulvirenti a côtoyé la mort de près. Infecté par Ebola en Sierra Leone, ce médecin a survécu. Aujourd’hui, il milite pour une meilleure formation.

Andrew Medichini/AP/SIPA

De taille moyenne, bedonnant, cheveu et barbe grisonnants, cet homme ne correspond pas à l’image que l'on peut se faire du médecin humanitaire. Et pourtant, Fabrizio Pulvirenti a soigné des malades d’Ebola en Afrique de l’Ouest. « Quand je suis parti pour la Sierra Leone, j’avais conscience de la possibilité d’être contaminé par Ebola, lâche-t-il sans hésitation. Je ne m’attendais pas à tomber malade, mais j’avais pris en compte ce risque en y allant. » L’ Italien est officiellement guéri d’Ebola depuis le 2 janvier 2015. A ce jour, l’urgentiste est le seul patient du pays infecté en Sierra Leone. Depuis son retour en Italie, il milite pour une meilleure formation dans le monde. C’est ce cheval de bataille qui l’a poussé à participer à l’élaboration du projet E-bola, un long métrage doublé de pastilles formatives à destination des médecins. Portrait de cet homme plus connu comme le « patient zéro ».

Une reconversion tardive

Fabrizio Pulvirenti est un converti de la médecine humanitaire. Retraité du service médical de la Marine italienne, il rejoint l’ONG Emergency. Sa philosophie est simple : « Je pense qu’il y a quelques différences qu’il est possible d’accepter – le salaire, les habitudes de vie, les croyances, la politique intérieure – et d’autres qui sont inacceptables ; le droit aux soins est une d’entre elles », explique-t-il en décembre 2014 au Sicilia Journal.

La mission humanitaire à Lakka, en Sierra Leone, n’est que la deuxième de sa seconde vie. Ce sera sans doute la plus marquante. En novembre 2014, le Dr Pulvirenti commence à souffrir de symptômes étranges. « Presque immédiatement, j’ai eu des soupçons, admet cet homme de 51 ans. Les symptômes que je présentais m’ont mis la puce à l’oreille. J’ai eu la confirmation dans les 24 heures, grâce à un examen spécifique. » Le couperet tombe : c’est bien le virus Ebola qui a infecté ce spécialiste des maladies infectieuses.

L’équipe d’Emergency lui propose alors d’être soigné en Italie, au sein de l’établissement de référence : l’Institut des maladies infectieuses Lazzaro Spallanzani. Il accepte. « Pas parce que je ne faisais pas confiance aux médecins d’Afrique, se hâte-t-il de préciser, mais parce que j’ai pensé aux difficultés que rencontrerait ma famille pour rapatrier mon corps si je mourais. »

« J’ai beaucoup dormi »

Dans la salle climatisée du ministère italien de la Santé, Fabrizio Pulvirenti répond sereinement à chaque question. Souriant et détaché, il se souvient avec précision des sensations de ce voyage difficile. Alors qu’il est toujours malade, il est transporté jusqu’à l’aéroport de Freetown, capitale de la Sierra Leone. Commence alors un vol de 6 heures qui le dépose à l’aéroport militaire Pratica di Mare, à Rome. « Je suis resté totalement enfermé dans un conteneur en plastique », confie le médecin. En effet, pendant tout ce temps, le quinquagénaire est enfermé dans une civière à haut niveau de confinement (pathogène de classe 4). Seuls deux agents sont sur la liste P4 : ceux causant des fièvres hémorragiques (Ebola, Marburg, Lassa…) ou des maladies infectieuses très contagieuses et mortelles (variole, infections à Henipavirus…).


« Le vol s’est fait de nuit et je ne me suis pas vraiment rendu compte du temps qui passait, se souvient Fabrizio Pulvirenti, concentré. Je n’étais pas en grande forme à cause de la maladie. J’ai beaucoup dormi, mais d’un sommeil agité. Et puis je suis passé d’une température de 30 °C à l’hiver italien, le choc thermique a été violent. » Ce père de deux enfants est ensuite hospitalisé à l’Institut Lazzaro Spallanzani, dans une chambre à pression négative, qui filtre l’air en empêchant les particules pathogènes de s’échapper.

« La santé mondiale a échoué »

Sur le traitement qui lui a sauvé la vie, Fabrizio Pulvirenti préfère garder le silence. « Je ne peux pas divulguer ce détail », souffle-t-il, visage fermé. Il admet, plus affable, avoir donné son sang. Mais il ne sait pas quelle utilisation en sera faite. « Maintenant que j’ai développé des anticorps, on ne peut plus l’utiliser en tant que traitement, mais on peut s’en servir pour la recherche », détaille l’homme.

Depuis sa guérison, Fabrizio Pulvirenti est resté très actif. Il a écrit un court récit, La mia battaglia contro Ebola (Ma bataille contre Ebola), dans lequel il relate son expérience. Il a pu « combler les trous » grâce aux souvenirs de ses collègues médecins et infirmiers en Sierra Leone et en Italie. Mais surtout, il a trouvé une nouvelle raison de se battre : faire en sorte que les soignants soient protégés de cette fièvre hémorragique extrêmement contagieuse. Car depuis le début de l’épidémie, plus de 800 soignants ont été infectés. « S’il y a trois ans, il y avait eu une formation en Afrique, les premiers cas d’Ebola auraient été identifiés et il n’y aurait pas eu une telle épidémie, dénonce le Dr Pulvirenti. La santé mondiale a échoué avec Ebola. »