Il y a quelques jours, l’Assemblée nationale a définitivement ratifié l’ordonnance prévoyant de nouveaux délais pour l’accessibilité des lieux publics aux handicapés. Avec cet acte qui a fortement déplu aux associations, les députés ont pris acte de l’impossibilité d’atteindre l'objectif initial prévu au 1er janvier 2015.
Résultat, les acteurs publics et privés qui ne se sont pas mis en conformité avec l’obligation d’accessibilité doivent maintenant déposer à la mairie ou à la préfecture, d’ici à octobre 2015, un « agenda d’accessibilité programmé » (Ad’ap), dans lequel ils s’engagent à réaliser les travaux dans un certain délai. Pour les transports par exemple, les délais maximaux seront de trois ans (transports urbains), six ans (interurbains) et neuf ans (ferroviaires). Et personne ne pourra y échapper puisque ceux qui ne déposent pas leur projet seront passibles d’une sanction fixée désormais à 2 500 euros, s'ajoutant à des poursuites pénales.
Dans ce contexte, beaucoup de Franciliens se posent des questions : comment les transports d'Île-de-France vont-ils réussir à se mettre aux normes ? Va-t-il falloir repenser intégralement la configuration du métro parisien ? Des nouveaux bus vont-ils voir le jour ? Pour répondre à ces interrogations, Pourquoidocteur a contacté Marie-Christine Raoult, responsable de la mission "accessibilité" à la RATP (1).
Aujourd'hui, quel est la bilan de la mission "accessibilité" à la RATP ?
Marie-Christine Raoult : La RATP travaille sur l'accessibilité depuis longtemps, même avant la Loi handicap du 11 février 2005. Notre bilan est plus que positif puisque 100 % des lignes de bus parisiennes (63 au total) sont accessibles aux handicapés. Pour déclarer une ligne accessible, il faut que 70 % des arrêts soient aux normes, c'est-à-dire aménagés en voirie pour être rendus accessibles. Tous nos bus sont équipés de palettes rétractables ; 98 % sont équipés d'annonces sonores et 96 % d'annonces visuelles.
Sur les lignes de banlieue, la problématique est plus compliquée car les points d'arrêt se répartissent sur différentes communes et départements. Là, on est plutôt aux alentours de 60 % des lignes accessibles. Mais pour arriver aux 100 %, des municipalités et des collectivités locales doivent encore inscrire à leur budget un certain nombre de travaux. Nous travaillons au quotidien sur ce sujet (avec le STIF) auprès de plusieurs directions de la voirie. Il nous reste six ans pour y arriver, donc pas d'inquiétude, nous serons largement dans les temps.
Concernant le réseau ferré, le bilan est-il similaire ?
Marie-Christine Raoult : Cela dépend du réseau. Toutes les lignes de tramway exploitées dans la région sont accessibles, elles ont été équipées ainsi dès leur construction. L'exploitation de deux lignes de RER (A et B) est partagée avec la SNCF. Pour notre part, aujourd'hui, 62 gares sur 65 sont accessibles, c'est-à-dire équipées d'ascenseurs.
Dans ces lieux, il y a aussi des agents de gare auxquels les personnes en situation de handicap peuvent demander l'accès au RER. Quand on les sollicite, ces derniers placent une palette sur une des portes de la rame pour aider la personne à monter dans le RER. Puis l'agent appelle son collègue dans la gare de destination pour que quelqu'un accueille la personne en fauteuil une fois à son arrivée.
Pour être précise, les trois gares où il reste du travail à faire sont : Nanterre-Université (RER A), qui sera prête entre décembre-janvier 2016, la gare du Luxembourg à Paris (RER B) et la gare de La Croix de Berny à Antony (RER B). Pour ces deux dernières, là encore, nous serons prêts dans les délais prévus par la loi, a priori en 2019.
L'accessibilité au métro parisien reste toujours problématique ?
Marie-Christine Raoult : Le réseau de métro parisien historique ne fait pas partie des délais de mise en accessibilité qu'impose la loi. Il n'a pas été conçu à l'origine pour permettre des équipements d'ascenseurs dans toutes les stations. Il y a de nombreuses causes d'infaisabilités techniques qui sont considérables. Notamment parce que le sous-sol parisien est un vrai gruyère et qu'il n'y a pas que la RATP qui y est présente. Autre contrainte, l'émergence des ascenseurs sur la voirie. Vous imaginez bien qu'en faire sortir plusieurs sur les Champs-Elysées, ou dans d'autres quartiers, n'est pas chose aisée.
Enfin, cette mise aux normes est d'autant plus complexe qu'en France, nous avons des normes de sécurité qui n'existent pas dans d'autres pays. Il est obligatoire par exemple d'aménager dans chaque station un espace d'attente sécurisé pour mettre à l'abri en cas d'incendie les personnes ne pouvant pas sortir par les escaliers. Pour autant, nous travaillons sur l'amélioration de l'accessibilité au métro pour les personnes en situation d'handicap sensoriel ou cognitif par la mise en place de balises de repérage sonores, de dispositifs d'éclairage, d'équipements d'escaliers fixes. Nous avons 4 stations tests (Château de Vincennes, Olympiades, Reuilly-Diderot et Nanterre-Préfecture).
Du coup, quelle est la solution pour résoudre le problème du métro ?
Marie-Christine Raoult : On ne s'interdit pas de continuer à travailler sur le sujet. Par exemple, tous les prolongements de lignes de métro (4, 14, 11, 12) seront accessibles complètement aux personnes en fauteuil, comme l'est aujourd'hui la ligne 14 (Olympiades-Saint-Lazare). En ce qui concerne la future ligne du Grand Paris, la société du même nom a associé la mission sur la définition des besoins en matière d'accessibilité. Et là encore, il est prévu que toutes les gares du Grand Paris soient équipées d'ascenseurs.
Précision importante, nous travaillons beaucoup sur le bus, car il est inscrit par la loi comme étant le réseau de substitution au métro.
Comment les handicapés vont-ils faire face au problème des transports bondés ?
Marie-Christine Raoult : Sur nos nouveaux bus par exemple (qui sont en train d'arriver), il y aura deux emplacements, en plus, pour les personnes en fauteuil (dans chacun des éléments d'un autobus articulé). Pour ceux qui l'ignorent, la RATP a aussi un centre de régulation des bus. Quand une personne en fauteuil se présente à un arrêt bondé, le conducteur peut appeler le centre pour savoir si le prochain bus pourra la prendre. Si c'est le cas, il pourra en informer le voyageur.
Par ailleurs, le STIF, l'autorité organisatrice des transports en Ile-de-France, acte régulièrement des renforts sur les lignes de bus et de tramway.
Lorsque nous arrivons à un intervalle incompressible, par exemple sur le RER A, avec des trains toutes les 2 minutes en heure de pointe, nous trouvons d'autres solutions. Sur le RER A, nous sommes ainsi en train de généraliser les trains à deux niveaux pour offrir environ +30 % à terme.
(1) Régie autonome des transports parisiens