Menée par la Drees (1) auprès d’adultes ayant eu recours aux services d’hébergement et de distribution de repas en 2012, l’enquête "Sans-domicile" permet d’analyser le recours aux droits et services des personnes sans domicile francophones, de nationalité française ou étrangère. Publiés ce mardi, les résultats de ces travaux soulignent les difficultés accrues qu’elles rencontrent pour bénéficier du système de protection sociale et de solidarité. Et au bout du bout, c'est la santé des plus démunis qui en pâtit.
Le médecin, personne de confiance
L'enquête révèle en premier lieu que les démarches auprès des professionnels des secteurs sanitaire et social dépendent fortement du mode principal d’hébergement. Ainsi, parmi les sans-abri (2), un sur quatre déclare ne pas avoir été en relation avec un médecin ou un travailleur social pendant l’année écoulée, contre 2 % à 3 % des personnes ayant dormi dans un logement ordinaire accompagné, un hébergement collectif ou à l’hôtel.
Par ailleurs, les personnes sans domicile déclarent plus souvent avoir eu des contacts avec les professionnels des secteurs sanitaire et social qu’avec les institutions elles-mêmes (CPAM, CAF, etc). Au cours des douze derniers mois, 85 % d’entre elles ont consulté au moins une fois un médecin pour elles-mêmes, que ce soit un spécialiste ou un généraliste, et 84 % ont rencontré au moins une fois un travailleur social.
Dans le même temps, seuls 58 % des sans-domicile déclarent avoir fait au moins une démarche auprès d’une institution, qu’il s’agisse d’un organisme intervenant dans le domaine social ou de la santé. Conclusion, 40 % des personnes sans domicile ne perçoivent aucune prestation sociale (3).
Le cabinet privé préféré à l'hôpital
Plus en détail, les personnes qui ont consulté un médecin se sont plus souvent rendues dans un cabinet de médecine privée (62 %) qu’à l’hôpital (21 %, dont 9 % dans un service des urgences). Dans 5 % des situations de recours à un professionnel de santé, la consultation a eu lieu dans un centre d’hébergement, un foyer ou un accueil de jour. Parmi les personnes qui logent dans ce type d'hébergement, huit sur dix ont pu voir un professionnel de santé.
S'agissant des profils, les personnes qui consultent le plus souvent pour elles-mêmes sont celles qui vivent en couple sans enfant, suivies de près par les femmes isolées, sans ou avec enfant(s) [respectivement 96 %, 95 % et 94 %]. À l’opposé, les hommes seuls avec enfant(s) sont ceux qui consultent le moins (55 %). Les sans-domicile de nationalité étrangère, qui représentent quatre sans-domicile francophones sur dix, ont consulté un médecin au cours de l’année écoulée dans les mêmes proportions que ceux de nationalité française (85 %).
En revanche, les SDF étrangers sont plus nombreux à ne pas bénéficier d’une couverture maladie (15 %, contre 5 %). Pire encore, seul un individu sur cinq de nationalité étrangère est couvert par l’aide médicale d’État (AME), dispositif permettant aux étrangers qui résident en France depuis plus de trois mois en situation irrégulière de bénéficier, sous condition de ressources, d’un accès aux soins.
Un renoncement aux soins massif faute d'argent
Enfin, parmi les personnes qui n’ont pas vu de médecin au cours des douze derniers mois, 21 % déclarent avoir eu des problèmes de santé pendant cette période. Le coût financier est le premier motif de renoncement aux soins invoqué (37 %), devant l’absence de gravité des problèmes de santé (24 %), le fait de ne pas savoir à qui s’adresser (17 %) ou l’absence d’assurance maladie ou de papiers nécessaires (16 %). La distance au médecin est évoquée par seulement 3 % des individus qui n’ont pas consulté alors qu’ils souffraient de problèmes de santé.
(1) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
(2) C’est-à-dire les personnes ayant dormi dans un lieu non prévu pour l’habitation
(3) Parmi les prestations touchées, le RSA est la principale prestation perçue par les SDF qui ont droit à une ou plusieurs prestations (34 %), devant les allocations logement (19 %), pour ceux qui vivent en logement accompagné. Arrivent ensuite les prestations familiales (14 %), et les allocations chômage (9 %).