Depuis cinquante ans, et face aux nombreux défis sanitaires – vieillissement de la population, bactéries ultrarésistantes, maladies orphelines… –, les sommes d’argent investies dans la recherche biomédicale n’ont cessé de croître. Et pourtant, lorsque l’on fait le bilan, le compte n’y est pas.
Telle est la conclusion d’une étude parue dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences), qui se penche sur l’espérance de vie gagnée depuis un demi-siècle ainsi que sur les nouvelles molécules qui ont vu le jour au cours de cette période aux Etats-Unis.
Plus d’argent pour des résultats similaires
En effet, si l’on prend ces deux critères, le retour sur investissement est bien faible, affirment les chercheurs de l’Ecole de Santé Publique de l’Université de Bloomberg. Ainsi, depuis 1965, le nombre de chercheurs a été multiplié par plus de neuf et le budget des Instituts nationaux de la santé, par quatre. En parallèle, le nombre de nouveaux médicaments approuvés par la Food and Drug Administration (FDA) n’a fait que doubler pendant la même période. Le gain en espérance de vie, quant à lui, est resté stable à environ deux mois par an.
« L'objectif de la recherche biomédicale est d'améliorer la santé, mais on constate de plus en plus de frictions dans le système, écrit Arturo Casadevall, professeur de microbiologie moléculaire et co-auteur de l’étude. Nous dépensons plus d'argent pour obtenir les mêmes résultats que nous avions dans le passé, et cela va continuer si rien n’est fait pour améliorer la situation. »
Un système « pervers »
Les raisons qui expliquent ce faible rendement sont multiples. Parmi elles, les auteurs citent l’accumulation de démarches administratives et des réglementations, qui freinent la recherche. Ainsi, obtenir l’autorisation de réaliser des prélèvements sanguins relève d’un long et fastueux processus. Le moindre déplacement à une conférence plonge les chercheurs dans une manne de papiers et de démarches « compliquées » à remplir.
Un autre facteur attire l’attention des chercheurs, bien placés pour en parler : un système « pervers » qui pousse les scientifiques à simplifier au maximum leurs recherches, afin d’augmenter leurs chances d’être publiés dans revues médicales les plus prestigieuses.
Selon les auteurs de l’étude, cette pratique a entraîné une « épidémie de rétractations » et de résultats qui ne peuvent pas être reproduits – critère essentiel pour qu’une étude soit valable - car ils se révèlent scientifiquement incorrects. Au final, « la littérature médicale n'est pas d'aussi bonne qualité qu'avant », jugent les chercheurs.
28 milliards pour des résultats non reproductibles
Une autre étude publiée en juin dans la revue PLOS Biology estime ainsi que plus de 28 milliards de dollars (25 milliards d’euros) sont investis chaque année aux Etats-Unis dans des études pré-cliniques dont les résultats ne peuvent pas être reproduits. La moitié de ces études sont publiées dans les grandes revues médicales.
« Il existe un nombre sans précédent de revues médicales et de recherches publiées, mais le nombre de publications biomédicales a très largement surpassé le nombre de nouveaux médicaments qui sont essentiels pour améliorer la santé publique, surtout pour des maladies où il n'existe pas de traitements efficaces », concluent les auteurs.