Une fois n’est pas coutume, c’est un remède de mamma italienne que des chercheurs de l’université Emory, à Atlanta, mettent à l’honneur. Dans une étude publiée dans la revue Plos One, ils viennent de démontrer que les feuilles de châtaignier sont capables de neutraliser les souches les plus résistantes du staphylocoque doré, cette bactérie redoutée car responsable de très nombreuses infections.
Le fléau de l’antibiorésistance
L’antibiorésistance, ou résistance des bactéries aux antibiotiques connus, est un problème majeur de la biomédecine contemporaine. Alors que l’emploi des antibiotiques n’a cessé de se généraliser dans la seconde moitié du 20e siècle, les bactéries ciblées ont réagi en adaptant leur patrimoine génétique afin de devenir plus résistantes. Problème : les bactéries mutent plus vite que notre capacité à mettre au point des antibiotiques, un processus notoirement long et hasardeux.
C’est notamment le cas du staphylocoque doré, qui a développé une souche (dite résistante à la méticilline) capable de résister à un grand nombre d’antibiotiques, et responsable d’infections de la peau et des muqueuses, voire, pour les cas les plus graves, de septicémies. Pour lutter contre la bactérie, les chercheurs ont eu l’idée de s’intéresser aux remèdes traditionnels, en conduisant des entretiens auprès de communautés rurales du sud de l’Italie.
Un remède traditionnel
« Les habitants du coin et les guérisseurs nous ont dit à maintes reprises qu’ils utilisaient une infusion à base de feuilles de châtaignier pour se laver la peau et la débarrasser des infections et des inflammations », révèle Cassandra Quave, ethnobotaniste à l’université Emory et auteur principal de l’étude.
Broyées et purifiées, les feuilles du châtaignier commun (Castanea sativa) se sont avérées très efficaces contre les staphylocoques résistants, aussi bien in vitro que sur des souris et des cellules humaines. « Cet extrait botanique permet de désarmer le staphylocoque, en neutralisant sa capacité à produire les toxines qui s’attaquent aux tissus. En d’autres termes, il lui retire ses crocs », explique Cassandra Quave.
Perturber les bactéries sans les tuer
En effet, l’extrait a cette particularité de ne pas détruire les bactéries, mais de perturber le système de coordination biochimique qui permet aux staphylocoques de réguler leur production de toxines au sein du milieu. Avec un avantage crucial : les bactéries ainsi traitées ne semblent pas développer de résistances, du fait d’une pression de sélection réduite par rapport aux antibiotiques classiques.
Comme le remède semble ne pas irriter la peau, il représente un excellent candidat pour le développement d’un antibiotique industriel, sous réserve de passer les redoutables phases d’essais cliniques destinés à démontrer aussi bien son efficacité que son innocuité pour l’homme. Une nouvelle stratégie de lutte contre les bactéries est-elle en train de voir le jour ? Si oui, on n’oubliera pas de remercier nos grands-mères.