Contre toute attente, les médecins de Vincent Lambert ont décidé cet été de maintenir en vie ce patient, en état végétatif depuis plus de sept ans. Le Dr Daniela Simon, du CHU de Reims (en charge de Vincent Lambert), avait ensuite saisi le procureur de la République pour que soit désigné un représentant légal du patient.
Alors, dans un souci d'apaisement, « le juge des tutelles a été saisi mercredi et devra instruire la demande avant de prendre une décision dans les prochaines semaines », a indiqué ce vendredi le parquet de Reims, confirmant une information du journal 20 minutes.
Ce juge, magistrat indépendant du siège, pourra, après expertise, désigner un tuteur ou un curateur pour ce patient victime depuis 2008 de lésions cérébrales jugées « irréversibles » par les meilleurs experts français en neurologie. Si l'esprit de la loi est de favoriser la nomination d'un représentant issu de la famille, cela ne pourra dans ce cas pas être possible, compte tenu du contexte familial qui voit s'opposer les parents, catholiques traditionalistes farouchement déterminés à maintenir en vie leur fils, et son épouse Rachel, soutenue par de nombreux frères et sœurs qui souhaitent une « fin digne » pour Vincent Lambert.
Un juriste pour les parents
Contacté par Pourquoidocteur, Me Jean Paillot, l'avocat des parents, pense en effet que, « d'un point de vue juridique, l'épouse de Vincent Lambert n'est plus reconnue comme légitime pour parler au nom de son mari. Par ailleurs, le CHU de Reims ne souhaite toujours pas considérer ses parents comme lesdits "protecteurs naturels" de Vincent. Je pense donc qu'en l'état actuel du conflit familial, ça ne peut être qu'une personne extérieure à la famille. Plutôt quelqu'un dont c'est l'activité professionnelle d'être tuteur. C'est surtout quelqu'un qui s'y connaît en droit et en comptabilité pour suivre les comptes d'une personne ou pour déterminer les actes qui sont sous responsabilité. Souvent, ce sont des juristes », ajoute-t-il.
Mais surtout, Me Jean Paillot et les parents veulent que ce tuteur les accompagne dans leur demande de transfert de Vincent Lambert. « Du CHU de Reims vers un autre établissement de santé qui reprendra la kinésithérapie et une rééducation à la déglutition. Six se sont déjà portés candidats, indiquant être prêts à le prendre en charge », précise l'avocat.
Respecter les volontés de Vincent Lambert
Un scénario que n'envisage pas l'autre camp, celui qui milite pour qu'un protocole de fin de vie soit entamé avec ce patient. Le Dr Eric Kariger, l'ex-médecin de Vincent Lambert, rappelle que le rôle d un tuteur est de défendre l'intérêt du majeur qui est protégé, « ses droits, ses volontés, etc ».
« Dans cette situation, le tuteur qui va prendre en main la situation peut donc siffler la fin de la récréation », pense-t-il. Par rapport au dernier protocole de fin de vie interrompu au mois de juillet, il ajoute : « Il sera, par exemple, dans son bon droit s'il dit : "je souhaite respecter les volontés de Vincent, la décision de justice de la CEDH (1), et l'avis médical des experts, je ne m'opposerai pas à l'arrêt des soins qui est proposé ».
Enfin, à partir du moment où il y a un tuteur nommé, le Dr Eric Kariger souligne que, « comme l'a rappelé la CEDH », il est son représental légal devant la justice. « S'il est d'accord pour qu'un autre protocole de fin de vie soit entamé, il n'y aura donc plus d'appel possible devant le tribunal administratif, comme cela a été le cas dans le passé. Le médecin qui l'entamerait serait donc "plus libre" s'il est soutenu par ce représentant légal », conclut-il.
(1) Cour Européenne des Droits de l'Homme